Non, l’horlogerie n’est pas seulement suisse ! Et si nous évoquons souvent des marques françaises ou allemandes, la Russie fut également un très grand producteur de montres. De nombreuses marques historiques attirent d’ailleurs encore la convoitise des collectionneurs. Souvent facilement reconnaissables, elles sont pour la plupart intimement liées à l’histoire russe et à la conquête spatiale. Place à cette petite sélection de marques russes incontournables.

Raketa

La marque est née dans l’usine Petrodvorets située à Saint-Petersbourg et construite en 1721 par Pierre Le Grand, « l’Empereur de toutes les Russies ». D’abord spécialisée dans la taille de pierres semi-précieuses, la production des montres Raketa n’y débutera qu’en 1961, année de l’envoi du tout premier homme dans l’espace, le cosmonaute russe Youri Gagarine. Le nom Raketa signifie d’ailleurs « fusée » en russe, comme un hommage a cet évènement marquant. La marque connaîtra son essor dans les années 1980 où elle produira plusieurs millions de montres par an et équipera l’Armée rouge ainsi que la Marine soviétique. C’est d’ailleurs durant cette période que Mikhaïl Gorbatchev portera la célèbre Big Zéro qui offrit une visibilité internationale à la marque. Malheureusement, la chute de l’URSS entraînera le déclin de nombreuses entreprises russes et Raketa ne fut pas épargnée. Elle sera cependant relancée en 2009 par Jacques Von Polier et David Henderson-Stewart, en conservant les machines d’origine tout en opérant une montée en gamme. Nous avons d’ailleurs eu la chance de passer une journée avec le modèle Avant-Garde le mois dernier.

Vostok

Continuons notre sélection avec un autre grand nom de l’horlogerie russe : Vostok. La compagnie fut fondée en 1942, mais ne débuta la production de montres qu’une fois la guerre terminée. Le nom Vostok ne fut utilisé qu’à partir de 1963 seulement. Il s’agit d’une manufacture qui vendra également ses mouvements à d’autres maisons horlogères. Comme Raketa (et Poljot), son nom fait référence à la conquête spatiale qui battait son plein au moment de leur création. Le programme Vostok est le tout premier programme spatial habité qui donnera lieu à l’envoi du premier homme dans l’espace, le vol Vostok 1. Les montres Vostok seront également portées au cours de vols spatiaux, notamment par Georgi Grechko et Yuri Romanenko. En 1965, elle deviendra le fournisseur principal de montres pour le département de défense de l’URSS et présentera l’un de ses modèles phares, la Komandirskie (« commandant » en français). Deux ans plus tard, elle présentera l’Amphibia, une montre de plongée étanche à 200 mètres qui sera visible en 2004 au poignet de Bill Murray dans The Life Aquatic with Steve Zissou. Contrairement aux deux premières marques citées, Vostok sera moins affectée par la chute de l’URSS et continuera de produire durant les années 90. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la marque Vostok Europe ne lui est pas liée.

Pobeda

La marque Podeba fut fondée en 1945 au même endroit que les montres Raketa, à l’usine de montres Petrodvorets. Son nom signifie « victoire » en russe et fait référence à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Ses origines remontent à l’avant-guerre et la lient intimement avec la France. La Russie, qui cherchait alors a développer ses industries, va faire directement appel à la manufacture LIP. Cette dernière va alors lui vendre les licences de production de certains de ses mouvements dont le fameux R-26, l’unique mouvement automatique entièrement manufacturé par la marque bisontine. Il sera alors amélioré et renommé K-26. Une fois la guerre terminée, la marque débutera la commercialisation de ses modèles, produits pour célébrer la victoire. Comme beaucoup de marques russes de l’époque, son histoire est un peu floue, la majorité des montres russes ayant été produites dans les mêmes usines avec diverses appellations. Pobeda souffrira inévitablement de la chute de l’URSS en 1991 et la production s’arrêtera au début des années 2000, avant d’être relancée il y a quelques années dans le créneau d’entrée de gamme.

Poljot

Il s’agit tout simplement de l’un des plus grands producteurs de montres et de mouvements Russes. Pour vous présenter Poljot (« vol » en français), il nous faut revenir sur la création de la première usine horlogère moscovite. Tout commence dans les années 1920, l’industrie horlogère russe est alors inexistante, bien que le pays ait un réelle volonté de produire lui-même ses montres. En 1929, après avoir essuyé de nombreux refus en Europe, la société soviétique d’import/export Amtorg va rapatrier les outils et machines de deux usines américaines au bord de la faillite. La première production russe verra alors le jour dès 1930. De nombreuses marques seront créées au sein de cette usine et le nom Poljot sera utilisé pour la première en 1960. Elle connaîtra le succès avec son modèle « Orbita », présenté en 1964, en lien étroit avec la conquête spatiale. Au début des années 1970, elle développera son premier mouvement chronographe, le mythique calibre 3133, largement inspiré du Valjoux 7734 et du Venus 188. En 1975, un autre chronographe emblématique sera produit. Le modèle « Okeah » qui accompagnera le cosmonaute Radjestvenski lors de la mission Soyouz 23. Une mission qui se terminera par un atterrissage extrême au milieu d’un lac gelé. Mais cela n’empêchera pas Poljot de devenir la marque référence des cosmonautes et de connaître un succès sans précédent. Comme de nombreuses marques russes, la chute de l’URSS entraînera la chute de la marque. Au total, plus d’une quarantaine de calibres ont été développés par Poljot.

Sturmanskie

Produites à partir de 1949 au sein de la Première Usine Horlogère Moscovite, les montres Sturmanskie étaient au départ vouées à équiper l’armée de l’air russe. Il n’était d’ailleurs pas possible à l’époque d’acquérir une Sturmanskie dans le commerce, celles-ci étaient uniquement produites pour les militaires russes. La réputation de la marque est née d’un fait historique : Youri Gagarine, premier homme à partir dans l’espace en 1961, portait une Sturmanskie au poignet. Cependant, l’histoire de la marque reste probablement l’une des plus difficiles à retranscrire car elle marque les débuts de Poljot : mêmes montres et même design avec ce lien direct avec la conquête spatiale. Sturmanskie serait donc devenue Poljot au milieu des années 1960.

Konstantin Chaykin

Terminons cette sélection avec une marque plus récente, plus haut de gamme et plus folle. Loin de l’Armée rouge ou de la conquête spatiale, Konstantin Chaykin fait partie de cette nouvelle vague de marques horlogères repoussant les limites créatives, tant dans le développement de ses calibres que dans le design de ses montres. Créée en 2003 à Saint-Pétersbourg par l’horloger éponyme, la marque a déménagé à Moscou en 2012. Le génie et l’ingéniosité de Konstantin Chaykin voudront à son fondateur de nombreux brevets. Le succès qu’il rencontre aujourd’hui est en grande partie dû à la présentation du modèle Joker en 2017. Une création audacieuse dont le cadran reprend le visage du célèbre méchant de DC Comics, déclinée en Wristmons depuis. Une version revisitée du Joker a d’ailleurs été présentée pour la célèbre enchère Only Watch 2021.