Si vous vous intéressez à Rolex, vous connaissez certainement la Sea-Dweller, la plongeuse de l’extrême étanche à 1220 mètres, ou bien la Sky-Dweller avec son calendrier si particulier. Mais connaissez-vous la Space-Dweller ? Une montre tellement rare qu’elle est presque devenue un mythe. Mais derrière ce mythe, quelle est la réalité ? Voici l’histoire de ce mystérieux OVNI de Rolex.

La fascinante Rolex « Space-Dweller »

Rolex échoue dans la conquête spatiale

Nous sommes au début des années 1960, en pleine période de conquête spatiale. Le monde entier a les yeux tournés vers les étoiles et la lune. Et du côté des maisons horlogères, la lutte est féroce pour faire partie du voyage avec la NASA. Mais c’est Omega qui remporte le jackpot et Rolex doit faire avec les miettes. Le Cosmographe n’atteindra jamais le Cosmos et restera cloué au sol, au grand dam de Hans Wilsdorf. Pourtant, beaucoup d’astronautes portaient des montres de la marque à la couronne à la maison mais pas que…

John Glenn, montre Rolex au « poignet »

L’histoire japonaise de la « Space-Dweller »

En mai 1963, John Glenn, le premier astronaute américain à être allé en orbite autour de la Terre en 1962, est envoyé au Japon pour aider au réseau de communication lors du vol Mercury de Leroy Gordon Cooper. Rolex décide alors de produire un petit nombre de montres dédiées à cet évènement. L’objectif est double : célébrer les premiers astronautes américains de l’époque Mercury, mais aussi renforcer la présence de Rolex au Japon.

Le cadran d’une Explorer 1016 rebaptisée Space-Dweller

Une Explorer 1016 rebaptisée

Pour cela, Rolex choisit une base connue : l’Explorer 1016, et y remplace uniquement la mention “Explorer” par “Space-Dweller. Simple et efficace. Pour le reste, tout est à l’identique et l’on retrouve tout ce qui fait le charme des Explorer de l’époque : le boîtier acier de 36mm de diamètre, les aiguilles Mercedes, le cadran noir brillant (alis « glossy »), les indices peints au tritium accompagnés des célèbres 3, 6 9, le verre plexiglass, le bracelet Oyster et enfin le calibre 1560 pour animer le tout. Cette fameuse mention “Space-Dweller” se retrouve sur une poignée de cadrans, à peine plus d’une douzaine.

Une Rolex Space-Dweller vendue aux enchères par Phillips en 2023

Le mystère des cadrans non montés

La Space-Dweller, est ultra-rare, c’est un fait. Mais ce n’est pas tout. Elle est aussi entourée d’un certain mystère. En effet, il semblerait qu’à la fin des années 90, des cadrans “Space-Sweller” non montés aient été offerts par un détaillant peu scrupuleux à certains distributeurs. Et en 2008, Sotherby’s vend même aux enchères 4 cadrans non montés. Pour la petite histoire, ces cadrans proviennent du stock de liquidation saisi par le gouvernement suisse auprès du spécialiste Patek Philippe Eric Tortella qui venait d’être condamné pénalement et envoyé en prison pour détournement de millions de dollars. Et c’est là que le mystère s’épaissit : comment savoir si les Space-Dweller présentées parfois aux enchères sont des “vraies” montres, ou bien des cadrans montés sur des Explorer 1016 de l’époque ? Difficile à dire, mais certains indices peuvent nous donner des éléments de réponse. En effet, le tritium est appliqué à la main sur chaque cadran, le rendant virtuellement unique. Ainsi, on peut revoir certains cadrans vendus par Sotheby’s en 2008 sur des montres vendues à des enchères ultérieures. Ces montres ne sont donc pas des originales de 1963, mais plutôt d’habiles montages. Mais est-ce le cas de toutes les Space-Dweller ?

Eric Tortella, le fameux spécialiste des montres Patek Philippe vintage

Des numéros de série aléatoires

Un autre mystère entourant les Space-Dweller concerne les numéros de série des boîtiers : ils ne sont pas consécutifs et ne respectent aucune logique. Ce qui est surprenant car ce n’est pas le cas par exemple des pré-séries de la Sea-Dweller, des Milsubs ou des COMEX de la même époque. D’autant plus que Rolex semble faire attention à ce genre de détails. Ce qui ferait plutôt pencher la balance vers le fait que les Space-Dweller soient des montages.

Un nom déposé seulement en 1966

Selon l’Office des Brevets et des Marques des États-Unis, le nom “Space-Dweller” n’est déposé qu’en 1966, en même temps que le nom “Sea-Dweller”, soit 3 ans après la sortie des montres au Japon. Étrange, pour le moins, si l’on considère que Rolex voulait lancer ce modèle en 1963…

Le fond de boîte d’une Space-Dweller de 1963

Aucune publicité ni catalogue

Enfin, le dernier point surprenant au sujet de la Space-Dweller est qu’elle brille par son absence dans toutes les publications officielles de Rolex : pas de publicité, pas de catalogue… Plutôt surprenant pour une marque qui excelle dans le marketing. Mais d’un autre côté, c’est sans doute compréhensible si l’on considère cette douzaine de montres comme un coup d’essai.

La Space-Dweller ne refait surface qu’à partir de 2002

Si l’on considère que les Space-Dweller datent bien de 1963, il est étonnant de ne pas en avoir de trace tangible avant 2002, date de la première mise aux enchères d’un tel modèle par Sotheby’s. Ensuite, les ventes s’enchaînent à un rythme assez régulier, pour un total de 13 pièces connues et répertoriées. Les prix grimpent à chaque fois, jusqu’à atteindre presque 200 000$ en 2023.

Une Rolex Space-Dweller de 1963 vendue d’occasion par Amsterdam Vintage Watches

L’histoire est belle, mais est-elle vraie ?

L’histoire de la Space-Dweller est fascinante. Une montre rarissime et quasi-inconnue, symbole des rêves spatiaux brisés de Rolex. Rien que ça… Tout le monde a envie d’y croire. Mais est-ce bien vrai ? La montre est entourée d’une aura de mystère très épaisse qui participe à son charme et à son attrait. Mais plus l’on creuse, plus on se rend compte qu’il y a de vraies incohérences et qu’il pourrait ne s’agir en fait que d’habiles montages de cadrans siglés “Space-Dweller”, montés dans des boîtiers d’Explorer 1016. À moins que la vérité soit ailleurs ?