Dans le langage courant, les chiffres arabes désignent les 10 chiffres {1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 0} selon leur écriture occidentale, et le système décimal qui les accompagne. On les retrouve absolument partout, et notamment sur les cadrans de montres. Mais cette dénomination est toutefois ambigüe. En effet, la provenance de ces chiffres n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Alors, quelle est la véritable origine des chiffres arabes ?

Un peu d’étymologie

Le mot « chiffre » vient de l’arabe « sifr », signifiant « zéro », qui est lui-même dérivé du sanskrit « sunya » : le vide. D’ailleurs, le mot « zéro » trouve ses racines dans l’italien : « zefiro » puis « zero », qui veut dire « vide », et qui vient du même mot arabe « sifr ». La boucle est bouclée. Ce rapide aparté étymologique nous donne un premier indice sur la véritable origine de ces chiffres : avant d’être écrits en arabe, ils étaient écrits en sanskrit. Il faut donc chercher du côté de la péninsule indienne.

Une histoire de voyages, de conquêtes et de commerce

Les premières traces d’écriture des chiffres tels que nous les connaissons remontent au IIIème siècle avant JC, en Inde. Ils sont issus de la numérotation Brahmi, qui est considérée comme l’ancêtre des numérotations indienne et arabe. On les retrouve ensuite dans des écrits scientifiques perses (actuel Iran) à partir du IXème siècle après JC, notamment grâce au mathématicien Al-Khwarizmi (780-850 après JC), le père de l’algèbre et dont le nom latinisé donnera le mot « algorithme ». Puis les chiffres se propagent à travers le monde musulman, essentiellement grâce aux caravanes de marchands sur la route de la soie. Enfin, ils arrivent en Europe au Xème siècle. Le Califat Islamique, immense empire musulman, traverse le détroit de Gibraltar et conquiert la péninsule ibérique. Celle-ci devient alors un incroyable creuset pour les deux cultures. Un endroit où les européens et les arabes se mêlent. Et avec eux, leurs connaissances, leurs langues…et leurs chiffres.

Une lente diffusion en Europe

La diffusion à travers l’Europe prendra encore plusieurs siècles. Pour cela, deux personnages ont été essentiels : Gerbert d’Aurillac (946-1003 après JC), futur Pape Sylvestre II, puis le fameux mathématicien italien Leonardo Fibonacci (1170-1250 après JC). Grâce à leurs différents ouvrages, ils furent les principaux artisans de la vulgarisation des chiffres arabes à travers l’Europe. Car à cette époque-là, l’Europe utilise encore les abaques pour le calcul, et les chiffres romains pour l’écriture. Deux systèmes complémentaires, qui restent relativement efficaces tant que les chiffres ne sont pas trop grands. Par ailleurs, l’Église elle-même ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de ces chiffres arabes, issue d’une autre religion, et qui introduisent une nouvelle notion : le zéro. Autrement dit le vide, et donc l’absence de Dieu. Difficile à accepter. Mais avec la Renaissance européenne au XIV et XVème siècle, et l’essor fulgurant des sciences, et notamment de l’astronomie, les chiffres deviennent plus longs et les calculs se complexifient. Les chiffres arabes s’imposent alors définitivement, et leur écriture définitive sera fixée au XVème siècle.

Des chiffres indo-arabo-européens

Les chiffres tels que nous les connaissons sont dits « arabes », car ce sont les Arabes qui les ont apportés en Europe. Mais de la même manière que notre langue est dite « indo-européenne », nos chiffres aussi trouvent leur origine en Inde, trois siècles avant JC. Ce pays-continent était alors en avance dans de nombreux domaines sur le reste du monde. Il a distillé son savoir, sa langue et ses chiffres jusqu’en Europe, qui en garde encore aujourd’hui des traces visibles partout … même sur les cadrans de montres. Et si vous avez aimé cet article, jetez un coup d’oeil à notre chronique Culture Montre !