C’était impensable il y a quelques années. Et pourtant, l’avenir de la plus grande foire horlogère au monde est en grand péril après plus d’un siècle d’existence. Rassemblant chaque année plus de 1000 exposants provenant de plus de 40 pays et rassemblant entre 100,000 et 150,000 visiteurs (essentiellement professionnels du milieu), cet événement a vu les plus grandes marques le quitter en seulement 2 ans. La pandémie aura-t-elle précipité la chute du Baselworld ?

Nous vous en avions parlé au début du mois dernier : Watchers & Wonders Geneva (anciennement SIHH) ainsi que le Baselworld annulaient tous deux leur édition 2020 suite à la propagation du coronavirus. Le premier par anticipation puis le second suite aux interdictions émises par les autorités fédérales et cantonales suisses d’organiser des événements de grande ampleur à cette période. Une première pour l’événement créé par la Fondation de la Haute Horlogerie en 1991, mais surtout pour le salon de Bâle dont la première édition avait pris place en 1917 malgré la situation enclavée de la Suisse au coeur du conflit mondial.

Mais le problème remonte à plus loin. Format, coût pour les exposants ou encore décisions unilatérales, de nombreuses raisons ont poussé les grands groupes horlogers à remettre en question leur participation au Baselworld. Pour ceux d’entre-vous ayant déjà participé au salon, vous pouvez très facilement imaginer les conséquences de l’entrée du Hall 1, principale artère du salon, évidée des marques les plus iconiques, les plus attendues et les plus couvertes par les médias. Dès 2017, ce sont entre autres Hermès, Corum, Girard-Perregaux et Swarovski qui annonçaient leur départ. Mais c’est le 28 juillet 2018 que le premier grand coup a été porté avec le retrait du Swatch Group et de ses 18 marques : Omega, Longines, Tissot, Hamilton, Blancpain, Glashütte Original, Jaquet Droz, Léon Hatot, Breguet, Harry Winston, Rado, Union Gashütte, Certina, Calvin Klein, Balmain, Swatch et Flik Flak.

L’année suivante, en 2019, la marque Breitling annonçait qu’elle ne participerait pas à l’édition 2020 à cause d’un problème de dates, préférant se concentrer sur son modèle de sommet et de roadshows locaux, sans pour autant occulter sa participation en 2021. C’est un véritable coup à la jugulaire qu’ont porté Rolex, Tudor, Patek Philippe, Chanel et Chopard en annonçant leur départ le 14 avril 2020, penchant pour une association avec la Fondation de la Haute Horlogerie pour la création d’un salon à Genève, en même temps mais non conjointement au Watches & Wonders (ancien SIHH initié par Cartier et Richemont). Et tandis que le MCH Group été en train d’agoniser, le coup fatal a été porté quelques jours plus tard par LVMH, même si sans surprise, le 21 avril 2020 en retirant ses marques (TAG Heuer, Hublot, Zenith et Bvlgari).

« Les expositions horlogères traditionnelles n’ont plus de sens pour nous », avait annoncé Nicolas Hayek, CEO du Swatch Group. De son côté, Jean-Claude Biver, alors président du segment horloger de LVMH, avait fait part de ses préoccupations en exclamant que le Baselworld devait changer. Tandis que la décadence du salon, de par la baisse du nombre d’exposants et des visiteurs, devenait de plus en plus flagrante, le manque de concertation de ses partenaires, notamment en repoussant l’édition 2020 de manière arbitraire au mois de janvier, une première en plus d’un siècle, la panique provoquée au coronavirus aura précipité ce que beaucoup avaient anticipé : un effet domino. En sachant que la situation était précaire l’année dernière, même si le MCH Group gardait la face en présentant son « Central Plaza », vaste lieu de rencontre et de restauration au milieu du hall principal sur ce qui étaient avant les terres du Swatch Group, comme une première mutation du salon; ces dernières semaines ont fort probablement sonné la fin du plus grand salon de l’horlogerie au monde. En sachant que les bilans financiers du MCH Group, société organisatrice, étaient négatifs ces dernières années avec une baisse drastique entre les comptes de résultats du premier semestre 2018 et celui de 2019, il paraît quasi-impossible que la barre soit redressée. Bâle, si tu ne reviens pas, tu nous manqueras…