Et non pas en direction de la lune. Car celle qui nous intéresse aujourd’hui, une Omega Speedmaster 2915-1, est l’originelle, celle par qui l’histoire de la « Speed » commença. Sa descendante, qui prendra une part active à l’épopée spatiale, après le choix fait par la NASA d’en équiper ses astronautes, fera de la Speedmaster l’une des montres les plus prisées des amateurs d’horlogerie.

Aujourd’hui encore, la Speedmaster fait toujours le bonheur d’Omega qui continue non seulement de la produire, mais la décline désormais en une multitude de versions, variant les tailles, les couleurs, les matières et les complications. En plus de ce panel de choix déjà bien fourni, des séries limitées sont régulièrement éditées, pour la plus grande joie des amateurs de la marque et du modèle, des collectionneurs, mais aussi de certains spéculateurs cherchant une rapide plus-value éventuelle, s’appuyant sur une rareté toute relative.

À la différence, dans le monde du vintage, cette exclusivité, recherchée par une partie de la clientèle, résulte plus de la rencontre d’un look correspondant aux critères actuels de la mode avec une capacité à avoir traversé le temps dans un bon état de conservation et de fonctionnement. Omega a produit beaucoup de modèles qui alimentent aujourd’hui le marché du vintage. La Speedmaster étant celle pour qui l’engouement est le plus grand. Et parmi toutes, la 2915 de première génération est certainement la plus convoitée. D’ailleurs Omega, surfant sur la vague du vintage a réédité en 2017 un modèle anniversaire pour les 60 ans de la Speedmaster, ressemblant comme 2 gouttes d’eau à l’originale.

Regardons donc cette 2915-1 de 1958, équipée d’un calibre 321, qui en ce samedi 12 mai, s’est vue adjugée aux enchères, par la maison Phillips à Genève, pour la somme record de 408,500 francs suisses, soit un peu moins de 350,000 euros. Brisant le précédent record pour une Speedmaster qui avait été établi à hauteur de 235,000 euros en 2017 en Suède et pulvérisant la fourchette haute de l’estimation établie à 120,000 euros avant la vente. Cette montre initialement vendue le 17 décembre 1958 au Costa Rica, n’appartenait pas à une célébrité, tel qu’un acteur ou une star du Rock’n Roll, c’est donc pour sa valeur horlogère qu’il faut l’aborder. Bien sûr son prix au coup de marteau la met hors de portée du commun des mortels.

Mais même pour un collectionneur fortuné, le prix est-il justifiable ? Tout d’abord, ne tournons pas autour du pot, son état est exceptionnel, visuellement proche de la perfection. On atteint ici la quintessence du vintage : elle est dans son état d’origine, mais s’est remarquablement patinée. Les aiguilles et index recouverts de tritium ont pris une couleur brun tabac de toute beauté. Le cadran n’est pas en reste avec une teinte chocolat noir bien uniforme. La lunette avec son échelle tachymétrique, dans état proche du neuf, témoigne presque à elle seule de la qualité de conservation de la montre. Elle n’a jamais été polie, et est entièrement d’origine. Cela peut paraître anodin mais une montre dont les aiguilles ont été changées peut perdre une bonne partie de sa valeur. Il en va de même avec un cadran remplacé ou un polissage un peu trop appuyé de la boîte.

Elle est très rare. Certes, mais à quel point ? Difficile de savoir réellement, mais la production des 2915 est estimée aux alentours des 3,500-4,000 exemplaires entre 1957 et 1959. Combien sont arrivées jusqu’à nous dans un bel état ? Impossible à dire. Mais le marché lui-même en est un bon indicateur, les transactions sont rares et il semblerait qu’il puisse s’écouler plusieurs années avant d’en voir une autre dans un si bel état. De plus, point ultime de détail, la lunette est celle de la MK2, avec des 3 arrondis, alors que la lunette de la MK1 a des 3 plats sur le dessus. Ce modèle est donc une sorte de transition entre la MK1 et la MK2. Cette configuration avec le fond sans l’hippocampe, l’inscription Speedmaster sur le côté de la MK1 et la lunette de la MK2 est donc encore plus rare. Enfin elle était accompagnée de sa boîte et du manuel d’instruction, le tout d’origine, ainsi que d’un extrait d’archives Omega attestant de sa production et de sa vente. Et les collectionneurs en tout genre le savent bien, la boîte originale est un gros plus.

Pour conclure, cette Speedmaster 2915-1 avait tous les critères réunis pour une vente d’exception. Elle est belle et très rare. Son prix si élevé soit-il, et sans rapport avec son coût initial, est le reflet de ce que les collectionneurs argentés sont prêts à débourser pour ce genre de pièce. Pour eux donc, le prix est en accord avec les critères préalablement cités. Et pour nous, ça nous laisse rêveur…