Universal Genève fait partie de ces marques disparues qui font toujours parler d’elles. Loin d’être tombée dans l’oubli, elle est chérie par les amateurs de vintage. Des montres innovantes, techniquement très abouties et dotées d’un charme fou. Revenons sur l’histoire d’Universal Genève, de sa création à sa quasi-disparition et pourquoi pas, à sa résurrection.

Universal Watch

En 1894, Numa Emile Descombes et Ulysse Georges Perret, deux jeunes horlogers nés dans les années 1860, s’associent pour créer la manufacture Universal Watch. Ils installent leur premier atelier à Le Locle, leur ville d’origine. Très tôt, ils concentrent leurs efforts à leur passion : les chronographes. Et avant la fin du XXème siècle, ils produisent déjà leurs premiers modèles de chronographes à mono-poussoir, avec totalisateur de 30 minutes. La renommée de ces chronographes ne fait qu’augmenter, et la manufacture gagne rapidement en popularité, en Europe comme aux Etats-Unis. Pour suivre la cadence, les ateliers sont relocalisés à Genève en 1919. La compagnie sera ensuite renommée Universal Genève en 1937.

La Cabriolet : la première montre réversible

En dehors de sa production de chronographes, Universal Genève s’est aussi penché sur des montres plus classiques. Et parmi elles, un modèle retient tout particulièrement notre attention : la Cabriolet. Sortie en 1927 (ou 1928, les sources varient), cette montre est sans doute la première montre réversible. Quatre ans avant la Reverso de Jaeger LeCoultre, cinq ans avant la Tank Basculante de Cartier, Universal Genève (qui s’appelait encore Universal Watch à ce moment-là) présente une montre rectangulaire, avec une minuterie en chemin de fer, une petite seconde à 6h, et qui peut se retourner pour protéger son cadran. Cela ne vous rappelle rien ? Avec une période de production très courte et une documentation quasi-inexistante, il s’agit d’une montre extrêmement rare, entourée d’un certain mystère.

La passion des chronographes

Comme nous l’avons dit, Universal Genève s’est rapidement spécialisé dans les chronographes. Avec des modèles toujours plus complexes, toujours plus performants, la maison suisse a littéralement dominé le domaine dans les années 30 et 40. En 1934, Universal Genève présente son chronographe Compur : deux boutons poussoirs rectangulaires, petite seconde à 9h et totalisateur de 45min à 3h. Le tout animé par le calibre 386 à roue à colonne. Suivrons la Compax en 1935 avec ses deux totalisateurs, l’Uni-Compax en 1936 avec son boîtier carré, puis l’Aero-Compax avec son cadran à horaire fixe placé à 12h, destiné à mémoriser le début d’une opération. Enfin, en 1944, Universal Genève sort ce qui restera l’une de ses plus belles réalisations : la Tri-Compax. Un chronographe Compax à 3 sous-compteurs, avec jour-date-mois et phases de lune, lancé pour le 50ème anniversaire de la manufacture. Une pièce d’exception, très recherchée par tous les amateurs de vintage. Aujourd’hui encore, plus de 80 ans après leur création, les designs de ces chronographes sont toujours aussi actuels. Dimensions, proportions, agencement des cadrans, ils n’ont pas pris une ride. Seulement une magnifique patine, qui les rend encore plus désirables.

Nina Rindt, reine des circuits

Comment parler des chronographes Universal Genève sans évoquer la mythique « Nina Rindt » ? À la fin des années 60, le pilote Jochen Rindt écume les circuits au volant de sa formule 1. Jamais loin de lui, sa femme et mannequin Nina l’accompagne et chronomètre ses tours de piste avec son chronographe Universal Genève Tri-Compax, ref 885.103/02. Une montre sportive et racée, accrochée à un poignet féminin par un bracelet bund façon Steeve McQueen, et chronométrant une voiture de course : voilà de quoi faire sensation ! Le cadran panda, assez épuré, fait immanquablement penser aux Rolex Daytona de la même époque. Mais la comparaison s’arrête là. La « Nina Rindt » possède un charme fou, subtil mélange de formes rondes et rectangulaires, dans un noir et blanc à la fois lisible et terriblement séduisant. Le boitier de 37mm de diamètre est prolongé par des anses lyres façon Omega Speedmaster. Le tout est animé par un mouvement automatique de haute volée, le calibre Valjoux 72, avec son mécanisme à roue à colonne. La Nina Rindt est une pièce unique à bien des égards : sa rareté, son style indémodable, sa qualité horlogère, la femme qui l’a popularisée…Autant d’éléments qui expliquent qu’elle est considérée par certains collectionneurs comme un « graal ».

1954 : La Polerouter, la montre iconique

Le 15 Novembre 1954 a lieu le premier vol commercial à survoler le pôle Nord : un Copenhague – Los Angeles, affrété par la compagnie SAS (Scandinavian Airline System). Au poignet des pilotes, on retrouve une Universal Genève : la Polerouter. Sortie 6 mois auparavant, la montre est spécialement conçue pour résister aux puissants champs magnétiques autour des pôles. Un coup commercial savamment orchestré par la marque, et qui lance la Polerouter sur la voie du succès. Dessinée par le célèbre Gerald Genta, elle arbore un design très marqué qui fera sa réputation : cadran sectorisé et très contrasté, larges index polis, aiguilles dauphine et guichet dateur trapézoïdal à 3h. La trotteuse glisse précisément sur la jonction entre les deux secteurs, tandis que les stries de la minuterie contrastent parfaitement avec la finition lisse du secteur central. Un sans-faute. Côté technique, la Polerouteur bénéficie également d’une première pour l’époque : un calibre à micro-rotor (cal 215), qui vient d’être breveté par la marque la même année. Grâce à ce modèle, Universal Genève prouve qu’elle est plus qu’une manufacture de chronographes : elle tient un modèle à la fois simple et reconnaissable, taillé pour la postérité. D’ailleurs, la Polerouteur connaît aujourd’hui une très belle carrière sur le marché des montres vintage, et les très nombreuses variantes possibles la rendent encore plus intéressante.

1960-70 : Universal Genève s’engage sur la voie du quartz

Les années 60 marquent le début de ce qui sera la plus grande révolution de l’horlogerie moderne : les mécanismes à quartz. Les maisons horlogères traditionnelles cherchent à s’adapter à ce bouleversement, chacune à sa manière. Universal Genève préfère prendre le train en marche, et développe ses propres modèles à quartz. En 1963, alors que l’on ne parle pas encore de « crise du quartz », sort la Polerouter Electric, à mouvement quartz. Cinq ans plus tard, en 1968, Universal Genève dévoile un mouvement à régulation de fréquence par diapason nommé « Tuning Unisonic ». Le projet est mené en collaboration avec Bulova, eux-mêmes pionniers dans le domaine avec la Accutron. Enfin, en 1975, Universal Genève sort le calibre 74, le mouvement à quartz le plus plat du monde, avec seulement 3.45mm d’épaisseur.

Années 80, le déclin

Malgré tous ses efforts, Universal Genève ne sort pas indemne de la crise du quartz. Elle tente de se développer sur le marché asiatique, en quête de nouveaux clients. Mais le succès n’est plus au rendez-vous. La marque est rachetée en 1989 par la holding Stelux, basée à Hong-Kong, également propriétaire de Cyma. Le siège de la marque reste officiellement à Genève, mais l’activité de la manufacture se concentre désormais sur l’Asie. Malheureusement, là non plus, les ventes ne sont pas suffisantes, et la production doit cesser. Après une brève tentative de revenir sur le devant de la scène en 2005, la marque est mise en veille en 2010. Et depuis…Plus rien. La situation actuelle reste floue. La marque existe encore, mais elle n’est pas active. Les rumeurs vont bon train, mais rien de concret n’a réellement vu le jour.

Quel avenir pour Universal Genève ?

Universal Genève fait figure de parfaite candidate à une résurrection en bonne et due forme. Elle bénéficie d’un patrimoine horloger d’exception, de designs iconiques, d’une image de marque très forte et d’un capital sympathie énorme chez les collectionneurs du monde entier. Avec l’engouement actuel pour les montres d’inspiration vintage, que demander de plus ? Alors on se prend à rêver d’un retour d’une Tri-Compax ou d’une Polerouter, voire d’une Nina Rindt ! C’est une marque qui ne cesse de fasciner. Poussée par un sens de l’innovation très fort, elle a produit des garde-temps qui ont marqué l’histoire de l’horlogerie moderne. Aujourd’hui, elle est malheureusement plongée dans une sorte de coma artificiel. Mais il serait dommage de conclure sur une note si négative. Universal Genève est une marque terriblement attachante qui ne demande qu’à renaître de ses cendres. Alors il n’y a plus qu’à croiser les doigts…

   SITE OFFICIEL