L’année 1969 marque un tournant dans l’histoire de l’horlogerie moderne, avec l’arrivée de la première montre à quartz, la Seiko Astron. Mais les suisses ne sont pas pour autant restés sans réagir. Ensemble, plusieurs maisons helvétiques ont travaillé à une solution pour concurrencer le quartz japonais. Et c’est ainsi qu’est né le Bêta 21, le premier mouvement suisse à quartz.

La première Seiko Quartz Astron de 1969

La création du CEH, le Centre Electronique Horloger

Pour comprendre ce qui a poussé les suisses à unir leurs efforts pour créer un mouvement à quartz, il faut appréhender le contexte de l’époque. Dès la fin des années 50, les français de LIP et les américains de Hamilton se lancent dans les mouvements électro-mécaniques. Puis, au début des années 60, c’est au tour de Bulova de proposer son propre mouvement électro-mécanique basé sur un diapason : le fameux Accutron. Les suisses voient d’un mauvais œil ces nouveaux mouvements, et décident d’organiser leur riposte. Mais ils accusent un sérieux retard en la matière, et vont donc devoir unir leurs efforts pour le combler.

L’équipe du CEH ayant développé et assemblé les premiers calibres Bêta 1

Ainsi, en 1962, 21 marques suisses s’allient et cofinancent le Centre Électronique Horloger (CEH), basé à Neuchâtel. Ces 21 maisons horlogères sont : Rolex (Bienne et Genève), Omega, Patek Philippe, Zenith, Longines, IWC, Bulova, LeCoultre, Zodiac, Ebel, Juvenia, Enicar, Elgin, Rado, Favre-Leuba, Eberhart, Doxa, Cyma, Movado, et Credos, auxquelles s’ajoutent les fournisseurs : Complications SA, Ebauches SA, Fabriques de Assortiments Réunies, Fabriques de Balanciers Réunies, Fabriques de Spiraux Réunies, ainsi que la Fédération Horlogère Suisse. Leur but commun : faire face ensemble à la montée de ces nouveaux mouvements électroniques en assurant la transition entre l’horloger mécanique traditionnelle suisse et l’horlogerie électronique.

Les prototypes Bêta 1 et Bêta 2

Au départ, le CEH se concentre sur les mouvements électro-mécaniques. Il se lance même dans 2 projets parallèles. Le projet Alpha, qui utilise un résonateur en forme de 8. Et le projet Bêta, basé sur un diapason, comme Bulova. Aucun de ces 2 projets ne passera en production, mais ils serviront de base pour la suite des travaux. Car à partir de 1965, le CEH va prendre une autre direction et se focaliser sur les mouvements à quartz. Ainsi, en s’appuyant notamment sur le projet Bêta, le CEH produit en 1967 le premier prototype de mouvement suisse à quartz, baptisé Bêta 1. Ici, la fréquence d’oscillation du quartz, 8192Hz, est réduite à 0.5Hz par un circuit intégré, soit une alternance toutes les 2 secondes. Chaque demi-oscillation déclenche le moteur de l’aiguille des secondes, donnant à la trotteuse cette cinématique classique de « un saut par seconde« . Enfin, même si ce mouvement n’a jamais été destiné à la production, il est néanmoins intégré dans une montre-bracelet, et participe même au célèbre Concours de l’Observatoire de Genève en 1968, et remporte la première place, devant les prototypes japonais signés Seiko.

L’un des premiers calibres Bêta 1 de 1967

Même si le Bêta 1 démontre une excellente précision, il souffre de problèmes de consommation électrique. En un mot, il est trop gourmand en énergie. Si bien qu’à peine un mois après la sortie du Bêta 1, le CEH décide de revoir sa copie, et crée le Bêta 2, qui améliore sensiblement les choses sur ce point précis. La batterie dure désormais plus d’un an. D’un point de vue technologique, la fréquence du quartz, 8192Hz, est ici réduite à 256Hz, produisant un mouvement beaucoup plus fluide de la trotteuse.

1970 : création du mouvement Bêta 21

Enfin en Avril 1970, le CEH dévoile le Bêta 21 : une évolution du Bêta 2, destinée à passer à la production, devenant ainsi le premier mouvement à quartz suisse. Il est composé de 2 circuits intégrés, l’un qui commande l’oscillation du quartz, et l’autre qui en divise la fréquence, passant de 8192Hz à 256Hz. Le Bêta21 est composé de 110 composants électroniques, le tout dans une plaque de moins de 2mm d’épaisseur.

Un calibre Bêta 21 exposé au Musée International de l’Horlogerie à La Chaux -de-Fonds

Malgré sa précision redoutable, le Bêta 21 n’est pas exempte de tout défaut. Au rang desquels on peut noter son instabilité, sa fragilité, et sa forte consommation d’énergie, qui handicape forcément son autonomie. Mais surtout le Bêta 21 arrive trop tard : 8 mois après l’annonce de l’Ultra-Quartz par Longines (qui fait pourtant partie également du projet Bêta 21), et 4 mois après la mise sur le marché de l’Astron de Seiko, qui dévoile ainsi la première montre à quartz au monde, au nez et à la barbe des suisses.

Le calibre 6512 « Ultra-Quartz » de Longines

Un coup de maître de la part de la firme japonaise, et une véritable révolution horlogère aux yeux du grand public. La montre à quartz est infiniment plus précise qu’une montre mécanique, et en cela elle représente l’avenir de l’horlogerie, même si elle coûte encore très chère. Avec l’Astron, Seiko s’impose comme le pionnier et le leader de la technologie quartz. Côté suisse, environ 6000 mouvements Bêta 21 sont produits, avant que les maisons horlogères ne décident de mettre fin à leur collaboration, signant alors la fin de ce mouvement, et son échec industriel.

Les montres équipées du Bêta 21

Le Bêta 21 connaît ainsi une courte carrière, et rares sont les montres où l’on peut le retrouver. Mais parmi elles, on peut citer l’IWC Da Vinci, la Piaget 14101, la Patek Philippe réf. 3603, la Jaeger-LeCoultre Master-Quartz,  ou encore l’Omega Electroquartz.

Le Bêta 22

Malgré l’échec du Bêta 21, le CEH poursuit encore ses efforts et produit à partir de 1970 le Bêta 22, qui est une évolution du Bêta 21. On retrouve notamment ce mouvement dans la Rolex Oysterquartz calibre 5100.