« Pour briser les règles, il faut d’abord les maîtriser. » Vous connaissez sans doute le slogan de l’une des plus grandes maisons horlogères helvétiques actuelles : Audemars Piguet. Aujourd’hui, nous nous penchons sur l’histoire de son modèle le plus emblématique, nous avons nommé la Royal Oak.
La maison Audemars Piguet
Cette maison a fêté ses 140 ans en 2015 et fut fondée par Jules-Louis Audemars et Edward-Auguste Piguet. En décembre 1875, Jules-Louis Audemars décide de créer au sein de la ferme familiale, un atelier d’horlogerie après avoir appris les savoir-faire horlogers auprès de son père. Dans la petite ville de Brassus dans la vallée de Joux en terres helvétiques. Le jeune homme occupait la fonction de « repasseur », une tâche ô combien importante, car c’est l’individu qui a la lourde responsabilité de vérifier, via un contrôle complet du mécanisme et de l’esthétisme, la montre emboîtée avant qu’elle ne sorte des ateliers de production. Très vite, les commandes affluent pour le petit atelier et l’un de ses amis, Edward-Auguste Piguet, se joint à l’aventure. Ils vont former ensemble la manufacture horlogère « Audemars Piguet & Cie ».
La manufacture va se spécialiser dans l’horlogerie de précision et dans les montres à complications. On observera dès 1882 des montres estampillées « Audemars Piguet » avec des quantièmes perpétuels, des répétitions minutes ou encore des chronographes. Pendant plus d’un siècle, la marque va se développer en rencontrant des moments de gloire et de crise, notamment lors du krach de 1929 mais aussi dans les années 1970 devant la domination de Rolex et l’apogée du quartz japonais.
La naissance d’une montre légendaire
Audemars Piguet va faire appel au génie d’un designer iconique dans le domaine de l’horlogerie, Gérald Genta, pour réaliser une montre qui deviendra le fer de lance de la marque suisse en 1973. À cette époque, la marque réalisait des montres dans des métaux précieux comme l’or et leur donnait vie grâce à des mouvements de grande qualité. Toutefois les dirigeants de la manufacture ont pressenti la nécessité d’une rupture afin de bousculer les codes établis en proposant quelque chose de novateur. Cela va se faire par la réalisation d’une montre se voulant être le parfait mélange entre élégance et sportivité, pouvant être portée aussi bien pour un week-end à la campagne que pour un dîner mondain, tout en préservant un niveau de finition exceptionnel.
En s’inspirant d’un casque de plongée vissé sur une combinaison, Gérald Genta dessina une des pièces maîtresses de sa carrière en une seule nuit : la « Royal Oak ». Le prototype était une montre fine, assez grande avec un cadran ornementé d’un motif « tapisserie » d’un bleu totalement nouveau. Le design de la Royal Oak a fait l’objet de deux brevets en 1973 et sa rupture va se faire en 3 points. Le premier est le fait de proposer une montre uniquement faite en acier qui couterait le prix de plusieurs montres faites d’or. Sur ce modèle, les courbes avant-gardistes sont remplacées par des angles, de plus la lunette et la couronne seront de forme octogonale. Afin de justifier le tarif de cette montre en acier, la finition de la montre se veut irréprochable. La seconde rupture est liée au design même de la « Royal Oak » qui se caractérise par un boîtier sur lequel est intégré un bracelet articulé qui renferme un mouvement scellé par un joint.
Enfin, le génie de Genta se caractérise par une rupture audacieuse, celle de sublimer les éléments techniques en faisant apparaître la lunette octogonale directement fixée au boîtier par un joint et des écrous apparents, puis une carrure directement attachée au bracelet.
Pourquoi le nom « Royal Oak » ?
Derrière ce nom se cache une histoire vieille de presque 500 ans. Le Royal Oak est le nom d’un chêne que les britanniques connaissent bien. C’est un arbre dans le lequel le roi Charles II d’Angleterre se cacha pendant une journée pour fuir les Têtes-Rondes après la bataille de Worcester en 1651. Cette bataille opposa les royalistes qui prônaient la royauté et le sytème monarchique face aux « Tête-Rondes » qui représentaient les partisans du Parlement d’Angleterre. Ce jour est resté dans la tradition britannique et se célèbre tous les 29 mai. Toutefois la maison horlogère n’a pas choisi cette date pour la partie de cache-cache mais surtout car de nombreux navires de guerre britanniques ont porté le nom « Royal Oak ». Dans l’histoire, 8 navires de guerre de la Royal Navy ont porté le nom de « HMS Royal Oak ». Toutefois, comme il a été évoqué plus haut, l’inspiration ne vient pas des formes et de la robustesse des cuirassés de la marine mais bien d’un casque de plongée.
Un timide essor avant un succès planétaire
Le succès du modèle n’a pas été immédiat. En effet, le designer star avait de grandes attentes concernant ce modèle. Les premières montres furent réalisées en or blanc car l’acier était complexe à maîtriser pour la marque. Présenté pour la première fois à la foire de Bâle en 1972, l’horloger suisse n’avait pas réussi à réaliser la montre en acier et présenta par conséquent le premier modèle dans un matériau qu’il maîtrisait parfaitement : l’or. Par la suite, le niveau de finition exceptionnel de la montre en acier aura une répercussion conséquente sur son prix de vente. Elle sera vendue aux alentours de 3000$, ce qui peut vous sembler dérisoire aujourd’hui sauf qu’à l’époque c’était quasiment 10 fois le prix d’une Submariner ! Et il faudra près de 3 ans à Audemars Piguet pour écouler les premiers modèles.
Toutefois après ces débuts difficiles, la maison à la couronne octogonale va décliner son modèle dans divers matériaux tout en ajoutant diverses complications via la gamme Offshore à partir de 1993. On observe dans cette gamme une volonté de rendre la montre plus imposante et plus virile en lui donnant une certaine largeur et épaisseur, tout en gardant les codes de la Royal Oak.
En cette année 2018, nous fêtons les 25 ans de la gamme Royal Oak Offshore. Pour cet anniversaire, la manufacture suisse a réimaginé la gamme en créant la Royal Oak Offshore Tourbillon Chronographe, un modèle complètement nouveau et audacieux qui embarque le calibre 2947 limité à 50 exemplaires. Le mouvement, arborant un nouveau design, a l’effet et l’esprit avant-gardiste de l’architecture contemporaine.
Une maison au service de ses ambassadeurs
Comme Rolex a pu le faire pour les explorateurs des fonds marins ou Richard Mille pour les sportifs de haut niveau, Audemars Piguet s’implique pour créer des gardes temps d’exception ayant des fonctionnalités très intéressantes pour certaines personnes. C’est notamment le cas de la Royal Oak Concept Laptimer Michael Schumacher. Le « Kaiser », septuple champion du monde de Formule 1 et ambassadeur de la firme helvétique, posa en 2010 une question aux ingénieurs horlogers : « est-il possible de créer un garde-temps capable de chronométrer et d’enregistrer une longue série de tours consécutifs ? » En effet, cette tâche est traditionnellement accomplie au moyen d’un banc de chronométrage pourvu d’au moins deux chronographes disposés les uns à la suite des autres.
Toutefois après un 5 ans de recherche et développement ayant abouti sur la création d’un calibre spécifiquement conçu pour la légende de la Formule 1, Audemars Piguet leva le voile sur un chronographe doté de deux systèmes d’indexation angulaire disposant chacun de sa propre « mémoire ». Ce garde temps présente un chronographe unique équipé de deux aiguilles centrales indépendantes contrôlées par trois poussoirs : le premier positionné à 2 heures pour démarrer et arrêter le chronographe, le second à 4 heures pour remettre le chronographe à zéro, et le troisième à 9 heures pour arrêter une des aiguilles et remettre l’autre à zéro au même moment. Ce modèle peut aussi enregistrer un temps de référence en stoppant une aiguille avec le troisième poussoir puis en utilisant le poussoir du « flyback » à 4 heures pour remettre l’autre aiguille à zéro et ainsi démarrer le chronométrage d’un autre tour. Toutefois, cette montre de prestige n’a été réalisée qu’en édition limitée comme vous pouvez l’imaginer. La maison horlogère a produit 221 exemplaires de la sorte en référence au nombre de points gagnés en Grand Prix du championnat du monde de F1 qu’il a disputé.
Le mot de la fin
À ce stade, il est clair que nous n’avons pas vraiment d’avis objectif concernant cette maison horlogère et encore moins pour ce modèle qui constitue un véritable graal. Le travail esthétique du célèbre Gerald Genta et la précision de la firme horlogère a permis de donner à ce modèle ses lettres de noblesse et d’en faire aujourd’hui, 46 ans après sa naissance, une véritable icône dans le domaine de la haute horlogerie. Cette forme si particulière et si avant gardiste fait diverger les avis de beaucoup d’amateurs, avec d’un côté ceux qui adorent et de l’autre ceux qui détestent. Mais comme a pu le dire Jean-Napoleon Vernier au XIXème siècle : « L’art n’a qu’un but : le beau, mais chacun doit y arriver par des voies différentes. »