La conquête spatiale et l’horlogerie sont intimement liées. En effet, le besoin pour les astronautes d’avoir une mesure du temps précise est primordial…voire vital. Ainsi, de nombreuses montres ont quitté l’atmosphère terrestre pour aller flirter avec les étoiles. Des garde-temps suisses bien entendu, mais aussi russes, français, allemands, japonais ou même chinois. Voici une petite revue des montres emblématiques de la conquête spatiale.

1961 – Première montre dans l’espace : la Pobeda

La première montre dans l’espace n’était pas accrochée au poignet d’un astronaute…mais au cou d’un chien ! La montre, une Pobeda (victoire, en russe), appartient au médecin-chercheur de l’Aérospatiale russe, le Docteur Abraham Genin. Ce médecin en a assez de voir à son poignet cette montre qu’il a reçu pendant son service militaire. Et malgré tout ce qu’il lui a fait subir, cette Pobeda refuse de s’arrêter. Il décide alors de s’en débarrasser d’une manière insolite : il l’accroche à la petite chienne Chernushka, qui embarque le 9 Mars 1961 (soit un mois et demi avant le vol de Gagarin) à bord du Sputnik 4, pour un vol spatial test habité, dans le cadre de la mission Korabl-Sputnik. Et contre toute attente, la chienne et la montre reviendront saines et sauves. Pour la petite histoire, Genin eut même quelques ennuis suite à son initiative peu orthodoxe.

1961 – Première montre accompagnant un être humain dans l’espace : la Sturmanskie

Lors du premier vol spatial habité le 12 Avril 1961, le cosmonaute soviétique Yuri Gagarin porte une Sturmanskie (navigateur, en russe), ce qui en fait la première montre accompagnant un être humain dans l’espace. La montre est d’une simplicité à toute épreuve : 3 aiguilles avec seconde centrale, 12 chiffres arabes, cadran beige clair, le tout dans un boîtier de 33mm de diamètre. À l’intérieur de cette Sturmanskie, on retrouve un mouvement manuel simple et fiable, articulé autour de 17 rubis et protégé contre les chocs. Ce mouvement est en fait basé sur le LIP R26, pour lequel les russes avaient acheté les outils de production. Par rapport à la version française, la Sturmanskie accueille une stop-seconde, une fonction indispensable à la précision de la montre et à sa synchronisation par rapport à un élément de référence.

1962 – Première montre suisse dans l’espace : la Heuer 2915A

Le 20 Février 1962, le cosmonaute américain Jonh Glenn fait 3 fois le tour de la Terre en vol orbital, à bord de de la capsule Friendship 7 de la mission spatiale Mercury-Atlas 6. Et à son poignet, se trouve une Heuer modèle 2915A, ce qui en fait la première montre suisse dans l’espace. Il s’agit d’un modèle standard de Heuer, capable de mesurer le temps pendant 12 heures avec une précision au 1/5ème de seconde près. Il était fixé à la manche de l’astronaute par des sangles élastiques. La mission dure 4 heures et 56 minutes, et à son retour, Glenn déclare : « C’était un jour spécial. Je ne vois pas bien ce qu’on pourrait dire à propos d’une journée où l’on a vu quatre fois le soleil se coucher ». Cette montre est désormais conservée au musée de l’air et de l’espace de Washington DC.

1962 – Premier chronographe suisse dans l’espace : la Breitling Navitimer Cosmonaut

Trois mois après John Glenn, le 24 Mai 1962, Malcolm Scott Carpenter s’envole à son tour pour les étoiles. Il porte une Breitling Navitimer Cosmonaut, à remontage manuel, ce qui en fait le premier chronographe suisse dans l’espace. Et avec son boîtier de 42.5mm de diamètre, difficile de ne pas la repérer, même sur les photos de l’époque ! De l’aveu de sa propre fille, Carpenter était un véritable amateur de montres. Ainsi, il n’hésite pas à demander certaines modifications très particulières à Breitling, pour que sa Navitimer réponde exactement à ses besoins : ajout d’une indication sur 24 heures, simplification de la règle à calculs, et changement de la lunette pour une plus large. La mission fut un succès, mais l’amerrissage de la capsule fut compliqué, et la Navitimer de Carpenter prit l’eau. Elle s’arrêta à 21h46, soit exactement 66 minutes après que le cosmonaute ne soit récupéré de son radeau de survie.

1963 – Première montre à quartz dans l’espace : la Bulova Accutron Astronaut

Bulova dévoile l’Accutron en 1960. Cette montre est animée par un mouvement à quartz révolutionnaire, basée sur le principe de résonance, rendu possible par l’emploi d’un diapason en lieu et place du balancier habituel. Ce procédé rend la montre très précise, mais également très résistante aux écarts de températures ainsi qu’aux très fortes accélérations, ce qui en fait un modèle particulièrement adapté aux missions spatiales. Ce modèle possède une lunette 24h et une 4ème aiguille qui tourne sur 24 heures, permettant d’indiquer un second fuseau horaire. Cette montre équipera les astronautes du programme Mercury 7 dès 1963, faisant de la Bulova Accutron Astronaut la première montre à quartz à visiter l’espace.

1965 – Première montre dans l’espace en sortie extérieure : la Strela chronographe calibre 3017

Si Gagarin fut le premier être humain dans l’espace, il n’est cependant pas sorti de son Vostok 1. Pour voir la première sortie extra-véhiculaire, ou EVA (Extra-Vehicular Activity) en anglais, il faut attendre le 12 Juin 1965. Ce jour-là, le cosmonaute Alexei Leonov sort de son vaisseau Voskhod 2, et devient le premier humain dans le grand vide spatial. À son poignet, un chronographe russe de 36mm de diamètre, baptisé Strela (flèche en russe), qui devient alors la première montre en sortie extérieure dans l’espace. La montre a un totalisateur 45min à 3h, une trotteuse à 9h, et une seconde centrale pour la fonction chrono. Ce chronographe est équipé du calibre 3017, un mouvement à remontage manuel cadencé à 18’000 A/h, s’appuyant sur un mécanisme de roue à colonne, et basé sur le Vénus 150. Quant à la sortie extra-véhiculaire elle-même, ce moment à la fois terrifiant et sublime, nous ne pouvons résister au plaisir de partager avec vous les mots d’Alexei Leonov : « Je m’avançais vers l’inconnu et personne au monde ne pouvait me dire ce que j’allais y rencontrer. Je n’avais pas de mode d’emploi. C’était la première fois. Mais je savais que cela devait être fait […]. Je grimpais hors de l’écoutille sans me presser et m’en extirpais délicatement. Je m’éloignais peu à peu du vaisseau […]. C’est surtout le silence qui me frappa le plus. C’était un silence impressionnant, comme je n’en ai jamais rencontré sur Terre, si lourd et si profond que je commençais à entendre le bruit de mon propre corps […]. Il y avait plus d’étoiles dans le ciel que je ne m’y étais attendu. Le ciel était d’un noir profond, mais en même temps, il brillait de la lueur du Soleil… La Terre paraissait petite, bleue, claire, si attendrissante, si esseulée. C’était notre demeure, et il fallait que je la défende comme une sainte relique. Elle était absolument ronde. Je crois que je n’ai jamais su ce que signifiait « rond » avant d’avoir vu la Terre depuis l’espace. « 

1969 – Première montre sur la lune : l’Omega Speedmaster

Quand on pense aux montres qui sont allées dans l’espace, le premier nom qui nous vient en tête est bien évidemment l’Omega Speedmaster. Et pour cause : Omega communique très largement autour de l’histoire spatiale de son chronographe emblématique. La carrière spatiale de la Speedmaster débute en 1962, quand la NASA demande aux maisons horlogères de proposer des montres-poignets capables de répondre à leur cahier des charges drastique. Plusieurs montres des marques les plus réputées s’affrontent, mais c’est finalement la Speedmaster qui est retenue. À partir de 1965, l’Omega Speedmaster fait donc partie intégrante de l’équipement standard des astronautes du programme Gemini puis du programme Apollo. Dès lors, la Speedmaster effectue des excursions spatiales, mais elle entre véritablement dans la légende le 21 Juillet 1969. Ce jour-là, la Speedmaster devient la première montre à être portée sur la lune, au poignet de Buzz Aldrin, le deuxième homme à y avoir posé le pied. En effet, Neil Armstrong, qui l’a précédé de quelques minutes, a dû laisser la sienne à bord du module lunaire, en raison d’une panne de l’ordinateur de bord. Mais l’histoire de cette montre ne s’arrête pas là. À son retour sur Terre, Buzz Aldrin, grand amateur de montres, décide d’envoyer sa Speedmaster à la Smithsonian Institution à Washington, pour y être conservée et exposée. Mais pour une raison inconnue, la montre n’est jamais arrivée à bon port. À ce jour, le mystère reste entier, malgré certaines rumeurs qui viennent régulièrement relancer les recherches.

1973 – Première montre japonaise dans l’espace et premier chronographe automatique : la Seiko 6139 SpeedTimer « Pogue »

L’histoire commence en 1973, lors des entrainements pour la mission Skylab 4. L’astronaute de la NASA , le Colonel William Pogue, n’avait pas encore reçu son Omega Speedmaster de dotation et utilisait sa montre personnelle : un chronographe automatique japonais Seiko SpeedTimer référence 6139-6005 de 1971, avec un cadran doré. Une montre exceptionnelle pour l’époque, puisqu’elle dispute le titre de premier chronographe automatique du monde avec l’El Primero de Zenith et le Calibre 11 de Heur/Breitling, tous sortis en 1969. Au moment d’embarquer pour sa mission Skylab 4, William Pogue prend ses deux montres : l’Omega Speedmaster « officielle », et sa Seiko 6139 SpeedTimer « officieuse », car il avait passé tout son entrainement avec cette montre au poignet et savait qu’il pouvait compter sur elle. Ainsi la Seiko 6139 SpeedTimer devint la première montre japonaise et le premier chronographe automatique dans l’espace. Un exploit qui vaudra à la référence 6139-6005 le surnom de « Pogue« , en hommage à l’astronaute qui l’a rendue célèbre.

1982 – Première montre française dans l’espace : la Yema Spationaute 1

Les français participent également à l’aventure spatiale. Ainsi, en Juin 1982, le général Jean-Loup Chrétien participe à la mission franco-soviétique PVH à bord de la station Saliout 7, pour un vol orbital de 10 jours autour de la Terre. Il devient alors le premier français, le premier francophone et le premier européen de l’Ouest, spationaute. Il est également le premier non-russe et non-américain à effectuer une EVA (sortie extra-véhiculaire) dans l’espace. Et à son poignet, Jean-Loup Chrétien porte une Yema Spationaute 1, la première montre française dans l’espace. Sortie la même année, il s’agit d’un modèle à quartz (mouvement japonais Miyota), à double affichage (analogique et digital), équipé des fonctions chronographe et alarme. Trois ans plus tard, cette Yema Spationaute 1 sera suivie par la Spationaute 2, portée par Patrick Baudry lors de la première mission commune CNES-NASA, qui l’emmènera 169 heures dans l’espace, à bord de la navette Discovery.

1985 – Première montre allemande dans l’espace : la Sinn Chronograph 140/142

Au sein du catalogue Sinn, le chronographe 140/142 occupe une place un peu particulière. En effet, la Sinn 140/142 est la première montre allemande à être allée dans l’espace. En 1985, l’astronaute allemand Reinhard Furrer porte une Sinn 140S avec un traitement PVD noir, lors de sa mission Spacelab D1, la dernière utilisant la navette Challenger, avant son accident de janvier 1986. Il s’agit alors de sa montre personnelle, qu’il portait au poignet gauche, alors que sur son poignet droit reposait une Omega Speedmaster, dotation officielle de la NASA.

2008 – Première montre chinoise dans l’espace : la Fiyta Aeronautics

La Chine possède également son propre programme spatial. Ainsi, en 2008, la fusée Longue Marche 2F lance le vaisseau Shenzhou 7, depuis la base de lancement de Juiquan. Une mission capitale, puisqu’elle permet de réaliser la première EVA d’un taïkonaute chinois, et la première depuis un engin ni-russe ni-américain. L’équipage est dirigé par le commandant Zhai Zhigang, qui porte une montre chinoise : un Fiyta Aeronautics. C’est donc la première virée spatiale d’une montre chinoise dans l’espace.

Et bien d’autres …

Bien d’autres montres se sont illustrées en dehors de notre atmosphère, que ce soit en dotation officielle ou en tant que montre personnelle des astronautes. Dans le désordre, on peut citer la Glycine Airman, la Rolex GMT Master, ou l’Omega Flightmaster, des modèles très prisés des pilotes d’avion, et donc des astronautes. On retrouve également l’Omega Speedmaster X33, certifiée par l’Agence Spatiale Européenne (ESA), mais aussi la Fortis Cosmonaut Chronograph, la Timex Ironman, la Casio G-Shock, les Rolex Submariner, Sea-Dweller, et Daytona, ou encore la TAG Heuer Carrera SpaceX. Une liste non-exhaustive qui sera certainement complétée lors des prochaines virées spatiales, vers la Station Spatiale Internationale, la Lune ou Mars !