Nous continuons notre série de portraits de maîtres horlogers avec l’un des plus connus d’entre eux : François-Paul Journe. En presque 50 ans de carrière, le marseillais a su s’imposer comme l’un des horlogers les plus importants de l’horlogerie moderne. Son influence est immense, et son style inimitable. Après Kari Voutilainen, portait d’un artisan horloger hors-norme.
Des débuts confidentiels mais prometteurs
François-Paul Journe naît en 1957 à Marseille. En 1972, il entame des études d’horlogerie à l’École d’Horlogerie de Paris, dont il sort diplômé en 1976. Dans les années qui suivent, il se consacre à la restauration de montres anciennes, aux côtés de son oncle, lui-même restaurateur réputé, installé dans le Vème arrondissement de Paris. Puis en 1982 François-Paul Journe dévoile sa première création personnelle. Et pas n’importe laquelle ! Une montre de poche à tourbillon avec remontoir d’égalité. Le ton est donné. Trois en plus tard, en 1985, il installe son propre atelier rue de Verneuil, à quelques pas de la maison de Serge Gainsbourg dans la capitale. Les collectionneurs les plus avertis et les plus exigeants font appel à lui pour la création de garde-temps uniques et exceptionnels, dans la plus grande tradition des savoir-faire horlogers, s’inspirant notamment des maîtres horlogers du XVIIIème siècle, comme Abraham-Louis Breguet ou Antide Janvier.
La manufacture de François-Paul Journe
Devant la demande croissante, François-Paul Journe fonde en 1999 à Genève sa propre manufacture sobrement nommée F.P. Journe. Avec toujours cette volonté de créer des montres exceptionnelles, techniquement extrêmement complexes, et avec une finition sans compromis. Pour cela, il s’astreint à garder la production entièrement en interne, avec notamment son propre fabriquant de boîtiers, Les Boitiers de Genève, et son propre fabriquant de cadrans, Les Cadraniers de Genève. Cette volonté de maîtriser de bout en bout la création et la fabrication de ses montres est traduite par la devise latine de la marque, présente sur tous les cadrans : Invenit et Fecit, « je l’ai inventé et je l’ai fait« .
Une production très restreinte et très désirée
La manufacture F.P. Journe produit entre 800 et 900 montres par an. Un chiffre famélique, qui s’explique par l’extrême exigence qui entoure la réalisation de chaque modèle. Les mouvements sont d’une complexité rare, les matériaux sont nobles, puis les finitions et décorations sont tout bonnement exceptionnelles. Aujourd’hui, le catalogue de F.P. Journe s’articule autour de plusieurs collections, allant de la simple 3 aiguilles au tourbillon le plus évolué, en passant par les grandes sonneries. Mais toujours avec la même rigueur et le même soin.
Le style de la maison F.P. Journe
François-Paul Journe a très rapidement su développer un design immédiatement identifiable. Ce qui donne aux montres F.P. Journe une identité forte grâce à des éléments de design distinctifs. On peut citer les aiguilles très originales, en forme de goutte, ou encore le fait que les chiffres arabes soient toujours orientés vers le centre, même dans la partie basse du cadran. Mais une montre F.P. Journe, c’est aussi une composition de cadran particulière et souvent audacieuse, avec des sous-cadrans agrémentés de petites secondes excentrées, à la texture guillochée, qui contrastent avec le fond uni de l’ensemble. Sans oublier l’omniprésence de la devise latine de la marque. Une esthétique unique, qui reflète bien l’esprit farouchement indépendant voire anticonformiste de François-Paul Journe.
Des récompenses, encore et toujours
Ses prouesses ne passent pas inaperçues, et François-Paul Journe remporte de nombreuses récompenses dès le début de sa carrière : le prix du Balancier d’Or de la convention des horlogers de Madrid en 1989, ou le prix Gaïa du meilleur horloger de l’année attribué par le musée de l’Homme et du Temps en 1994. En 2004 et 2007, il obtient le prix de la montre de l’année au Japon, tandis qu’en 2010 il décroche le titre de meilleure innovation technique en Chine. Mais François-Paul Journe se distingue aussi au Grand Prix d’Horlogerie de Genève, dont il est le seul à avoir remporté 3 fois la récompense la plus prestigieuse, l’Aiguille d’Or. En 2004, pour son tourbillon souverain à seconde morte, en 2006 pour la Sonnerie Souverain, qui a nécessité le dépôt de 10 brevets, et enfin en 2008 pour le Centigraphe Souverain. Toujours dans la même compétition, François-Paul Journe a également été récompensé dans diverses catégories en 2002, 2003, 2005 et 2010. Presque la routine. En parallèle, François-Paul Journe est un habitué de l’enchère caritative Only Watch, pour laquelle il propose des pièces toujours plus exceptionnelles, qui atteignent immanquablement des sommes records. Au total, en presque 50 ans de carrière, François-Paul Journe a reçu plus d’une vingtaine de récompenses, à travers tous les continents. Enfin, à titre plus personnel, François-Paul Journe reçoit en 2006 le titre de Chevalier des Arts et des Lettres des mains du Ministre français de la Culture, et il est distingué en 2017 du prix « Hommage au Talent » par la Fondation de la Haute Horlogerie.
Pérennité et indépendance, compatibles ?
Rester indépendant coûte que coûte est un immense défi pour les horlogers, même pour François-Paul Journe. Les investissements sont très lourds, et parfois incompatibles avec la taille réduite de ces manufactures. Ainsi, en 2018, le groupe français de luxe Chanel entre au capital de F.P. Journe à hauteur de 20%. Pas de quoi remettre en question l’indépendance du maître horloger, mais plutôt une garantie d’investissement et de pérennité. Et compte tenu de la bonne réputation de Chanel de respecter les entreprises dans lesquelles la société investit, il faut plutôt voir cela comme un bon signe.