L’histoire horlogère est parsemée de grands noms. Des Maîtres Horlogers, qui ont marqué d’une empreinte indélébile l’évolution des garde-temps à travers les siècles. Prouesse technique, révolution dans le design, miniaturisation, invention pure et simple, nouvelles complications, amélioration et optimisation de mouvements déjà existants… Autant de domaines dans lesquels ces génies de l’horlogerie ont brillé. Mais aujourd’hui, que reste-t-il de ces grands esprits ? Quels sont ceux encore capables de révolutionner la façon dont nous abordons l’horlogerie ? Pour tenter de répondre à ces questions, voici une sélection de 5 Maîtres Horlogers contemporains, qui ont d’ores et déjà laissé leur trace dans l’Histoire horlogère.

François-Paul Journe

François-Paul Journe est le plus français des Maîtres Horlogers de Genève. Né en 1957 à Marseille, il se forme à l’horlogerie à Paris, avant d’ouvrir son atelier dans le VIIème arrondissement de la capitale. Il commence par restaurer des montres anciennes, avant de proposer, dès 1982, sa première pièce : une montre de poche à tourbillon avec remontoir d’égalité. La pièce fait sensation et François-Paul Journe se fait rapidement un nom parmi les collectionneurs les plus affutés, qui lui passent commande pour des pièces uniques et forcément exceptionnelles. En 1999, il fonde sa manufacture, à Genève, avec une seule obsession : maîtriser le processus de création de bout en bout. Ainsi, il fonde en parallèle ses propres ateliers de boitiers et de cadrans. Les montres FP Journe se distinguent par un niveau technique hors-du-commun, associé à un langage esthétique très fort, qui leur confère une véritable identité. Pas étonnant qu’elles soient si souvent récompensées, avec notamment trois Aiguilles d’Or au Grand Prix d’Horlogerie de Genève. Un exploit que François-Paul Journe est le seul à avoir accompli.

Kari Voutilainen

Kari Voutilainen vient d’un pays qui n’est pourtant pas franchement réputé pour son horlogerie : la Finlande. Mais qu’à cela ne tienne ! Il en est sans doute le meilleur représentant. Né en 1962 à Rovaniemi, en Finlande, il se forme auprès d’un ami de sa famille, lui-même horloger, avant de suivre un cursus à l’école d’horlogerie finlandaise, située à Lespoo, puis un autre en Suisse, à la célèbre WOSTEP (the Watchmakers Of Switzerland Training and Educational Program, programme de formation d’horlogerie suisse), à Neuchâtel. La suite du parcours de Kari Voutilainen est un classique du genre, pour les maîtres horlogers indépendants. Tout comme François-Paul Journe, il commence par la restauration de pièces anciennes, affutant ses connaissances au contact des mouvements les plus complexes. Ensuite, il travaille au service de grandes marques, sans avoir la reconnaissance qu’il mérite, pour enfin voler de ses propres ailes et fonder son propre atelier et sa propre marque éponyme en 2002, Voutilainen, à Môtiers en Suisse. En 2005, il dévoile le premier répéteur décimal, qui sonne les heures, les dizaines de minutes puis les minutes. Toujours en quête de nouveaux horizons, Kari Voutilainen n’hésite pas à s’associer aux meilleurs artisans dans des domaines très spécifiques, comme l’émail, la laque ou la gravure. Il se distingue par son approche artisanale du métier, misant sur son indépendance farouche, même si cela doit être synonyme d’une croissance plus lente.

Philippe Dufour

Philippe Dufour nait en 1948 au Chenit, dans le Jura suisse. Rien ne le prédestine à l’horlogerie, mais c’est à l’école technique de la Vallée de Joux qu’il découvre les montres. Il en ressort en tant qu’horloger rhabilleur, et commence sa carrière professionnelle chez Jaeger-LeCoultre, puis Audemars-Piguet, avant d’ouvrir son propre atelier de restauration de montres de poche à complications. C’est alors qu’il décide de créer sa propre montre de poche avec la plus belle des complications : la Grande Sonnerie. Audemars Piguet lui en commande 5, mais l’histoire tourne court et Philippe Dufour en ressort avec une nouvelle conviction : il ne travaillera plus pour qui que ce soit. Piqué au vif, il se lance alors un défi fou : créer la première montre-poignet à Grande Sonnerie. Une première mondiale, qu’aucune manufacture ni aucun artisan n’a jamais réalisée avant lui. Et après deux ans et demi de travail acharné, le résultat est enfin là, et la montre est présentée au Baselworld de 1992. Mais là encore, tout ne se passe pas comme prévu, et l’accueil est plutôt froid. Le salut vient alors d’une autre partie du monde : l’Asie. Philippe Dufour y vend ses premières pièces, y enregistre ses premières commandes et y enseignera même l’art de la décoration. Sa pérennité assurée, Philippe Dufour peut se consacrer à de nouvelles pièces, comme la Duality avec son double balancier ou la Simplicity, un modèle épuré à 3 aiguilles. Soucieux de transmettre son savoir-faire et le goût du travail « fait-main », il fonde également avec Vianney Halter, Robert Greubel, Stephen Forsey et Kari Voutilainen la Time Aeon Foundation, qui a pour but de promouvoir l’art horloger artisanal d’excellence. Philippe Dufour, toujours une pipe au bec, fait tout lui-même. De la création à la réalisation de la montre, en passant par la vente elle-même, et même son site internet, où il écrit à la première personne ! Une indépendance farouchement gardée contre vents et marées, comme le plus précieux des trésors. Et le gage d’une qualité absolue. D’ailleurs, les plus grands collectionneurs ne s’y trompent pas et les montres Philippe Dufour atteignent des sommets aux enchères. Enfin, Philippe Dufour peut se targuer d’avoir remporter deux des plus prestigieuses récompenses du monde horloger : le prix Gaïa en 1998 et le prix spécial du jury du Grand Prix d’Horlogerie de Genève en 2013.

Roger W. Smith

Roger William Smith nait près de Manchester, en Angleterre, en 1970. Il ne montre que peu d’intérêt pour les études, mais est très habile de ses mains. Alors, sur les conseils de son père, il intègre l’école d’horlogerie de Manchester. Bonne pioche ! Roger Smith excelle et devient un horloger très prometteur. Mais plus que cela, c’est là qu’il fera une rencontre qui changera sa vie : George Daniels. Le maître horloger anglais, inventeur entre autre de l’échappement co-axial, depuis repris par Omega, est alors conférencier, et devient par la suite le mentor de Roger Smith. Tous deux partagent l’obsession de l’excellence et l’amour du travail fait-main. Ainsi, après avoir fait ses preuves en créant ses premières pièces de haute horlogerie, Roger Smith rejoint George Daniels sur l’île de Man, où celui-ci a son atelier. Au cours des décennies suivantes, les deux hommes alternent entre collaboration et travail solo. Et à la mort de George Daniel en 2011, son atelier est tout naturellement cédé à Roger Smith, qui dira : « L’atelier de George était conçu dans un seul et unique but : permettre à un homme de concevoir et créer une montre de A à Z. »  Depuis, Roger Smith est le porte étendard de l’horlogerie britannique et de ses traditions, poursuivant le travail de son mentor, tout en affirmant sa propre vision de l’artisanat horloger d’excellence. Ainsi, Roger W. Smith reçoit plusieurs distinctions prestigieuses dans le domaine horloger, dont la médaille d’argent de l’Institut Britannique d’Horlogerie en 2011, et en 2018 il est fait Officier de l’Empire Britannique, pour sa contribution exceptionnelle à l’horlogerie britannique.

Vianney Halter

Vianney Halter est sans doute le maître horloger le plus décalé de notre sélection. Il naît en 1963 à Suresnes, près de Paris, et son parcours horloger débute à seulement 14 ans, à l’école d’horlogerie de Paris. Et c’est durant cette adolescence studieuse qu’il développera ses 2 passions : l’horlogerie bien sûr, mais aussi la science-fiction. Comme de nombreux horlogers indépendants avant lui, il débute sa carrière dans les ateliers de restauration, où il perfectionne son art au contact de pièces de haute-horlogerie. Puis il déménage en Suisse où il rejoint François-Paul Journe et Denis Flageollet dans la manufacture de mouvements Techniques Horlogères Appliquées. Enfin, en 1994, il fonde sa propre manufacture, baptisée Manufacture Janvier SA, en hommage à Antide Janvier, le célèbre horloger du XVIIIème siècle. La première pièce de Halter, la Time Machine Perpetual Calendar Antiqua, donne le ton : une complication prestigieuse, présentée d’une façon inédite dans un boîtier digne d’une œuvre de science-fiction. Une pièce venue tout droit du « futur-antérieur« , comme le dit Halter lui-même. Puis au début des années 2000, Halter collabore avec Maximilian Büsser pour Harry Winston et crée l’Opus 3, une nouvelle pièce mêlant complexité horlogère et design innovant. Par la suite, Halter développe ses propres collections, toujours avec cette touche futuriste décalée, qui rend ses montres à nulles autres pareilles. Son amour pour la science-fiction transparait dans chacune de ses pièces, faisant de leur design atypique une véritable signature. Enfin, côté récompense, Vianney Halter a notamment remporté le prix du meilleur horloger concepteur au Grand Prix Horlogerie de Genève en 2011, pour ses modèles « Futur-Antérieur », et le prix de l’innovation en 2013, pour son Deep-Space Tourbillon.