La Tudor Black Bay P01 fut l’une des sensations du Salon de l’Horlogerie de Bâle en 2019. Design atypique, origines mystérieuses, renommée de la marque…tous les ingrédients étaient réunis pour faire parler les amateurs d’horlogerie. Presque un an plus tard, revenons sur ce modèle qui ne laisse personne indifférent.
Des origines mystérieuses
À la fin des années 60, Rolex créait un premier prototype pour répondre à un appel d’offre de l’armée américaine. Les larges couvre-anses à 12 et 6h et l’épaulement massif pour protéger la couronne à 4h étaient déjà là. Il fut rapidement suivi par une proposition de chez Tudor, reprenant le même boîtier mais avec un mouvement standard, moins onéreux. Finalement, aucun de ces deux prototypes ne fut retenu par l’armée américaine, qui leur préféra la classique Tudor Submariner réf. 7016. Malheureusement, à l’époque, tout n’était pas aussi rigoureusement référencé qu’aujourd’hui et l’on perdit la trace de ces prototypes, produits à seulement deux ou trois exemplaires chacun. Depuis, entre modèles non-reconnus par Rolex mais attesté par la suite, ventes aux enchères aux registres flous, et faussaires asiatiques extrêmement bien renseignés, une véritable légende s’est créée autour de ces mystérieux prototypes. À la fin des années 2010, il se murmure même que Rolex a pensé à faire revivre ce projet, avant d’y renoncer et de laisser la main à Tudor. Un choix pour éloigner la marque à la couronne des tool-watch et se concentrer sur le haut de gamme ? Difficile à dire, mais toujours est-il que Tudor ne laissera pas passer une telle occasion. Et c’est ainsi qu’en 2019, la P01 (pour « Prototype 01 ») ressort des livres d’histoire, teintée d’une aura de mystère aussi floue qu’attirante.
Une Black Bay « commando »
La P01, c’est un peu une Black Bay sous stéroïdes. Elle reprend la plupart des éléments typiques de la gamme phare de Tudor. Les fameuses aiguilles snowflake bien sûr, mais également la présentation générale du cadran : triangle à 12h, bâtons à 6 et 9h, et ronds aux autres positions. Le guichet dateur est à 3h. Enfin, on retrouve l’habituel logo « bouclier » de la marque à 12h. Mais au-delà de ces éléments bien connus, la P01 sait aussi se démarquer. Les index sont d’un blanc crème, presque vanillé, pour rappeler la patine d’une montre vintage et évoquer sans doute les années 60 qui ont vu naître les prototypes originaux. Le cadran noir est bombé, pour en augmenter la profondeur. Mais le vrai spectacle se situe autour du cadran, avec le boîtier lui-même.
Et quel boîtier ! La couronne à 4h est protégée par un épaulement si massif qu’il se prolonge jusqu’au bracelet. Les deux énormes couvre-anses, à 12 et 6h, recouvrent une lunette crénelée graduée sur 12 heures. Assez larges pour être manipulés avec des gants, ces deux éléments ont une fonction bien précise. Celui du haut est amovible : en position levé, il permet à la lunette de tourner, alors qu’il la bloque une fois abaissé. Un système rudimentaire mais diablement efficace. À eux seuls, ces deux couvre-anses sont la véritable signature du design de la montre. Ils rendent la P01 à la fois unique, reconnaissable au premier coup d’œil, mais aussi curieusement attirante. À l’intérieur de la P01 bat le MT5612, mouvement manufacture de chez Tudor, certifié COSC, et qui offre la très généreuse réserve de marche de 70h. Une machine moderne, précise et endurante.
Bizarre, vous avez dit bizarre ?
Si la P01 est une tool-watch pure et dure, il semblerait que certains éléments soient quelque peu… surprenants. À commencer par le bracelet. Sans vouloir remettre en cause sa qualité intrinsèque, il s’agit plus du choix des matériaux. Pour une montre militaro-nautique, un bracelet en cuir – même doublé de caoutchouc – est un choix qui surprend. Pourquoi ne pas proposer un bracelet en acier ou en textile résistant à l’eau, comme un NATO par exemple ? Autre point qui suscite l’interrogation : la lunette. Il s’agit en effet d’une lunette de type GMT, c’est-à-dire avec les 12 heures graduées. Et pourtant la P01 n’est pas une GMT avec une 4ème aiguille dédiée. Certes, cette lunette est directement héritée du prototype d’origine. Mais il n’en reste pas moins que pour une plongeuse destinée à l’origine à équiper les poignets des soldats américains, on est en droit de se demander à quoi pouvait bien servir cette lunette GMT. Ce genre de complication n’est pas franchement utile sous l’eau.
A qui s’adresse la P01 ?
Qui dit montre particulière, dit forcément clients particuliers. Et avec la P01, on est en droit de se demander : à qui s’adresse cette montre ? De manière assez évidente, la P01 va plaire à ceux qui veulent quelque chose de différent, sans rogner sur la qualité. Ceux qui aiment sortir des sentiers battus et le parfum d’aventure qui va avec. Ceux qui seront sensibles à ses origines mystérieuses. Et enfin, à ceux pour qui la fonction prévaut sur la beauté. Car ne nous cachons pas. La P01 n’est pas à proprement parler une « belle » montre. Mais à l’instar d’une Omega Ploprof, elle est entièrement dédiée à son utilité. Elle n’est pas conçue pour flatter le poignet, mais pour répondre à un cahier des charges des plus exigeants, sans concession au style. Et c’est peut-être ça qui la rend « belle ».
Une montre définitivement à part
La P01 est une montre à la croisée de beaucoup de chemins. C’est une tool-watch, certes. Mais pas vraiment une plongeuse, ni une montre militaire, ni une GMT. Ni même un prototype d’ailleurs. La P01 n’est rien de tout ça, et tout ça à la fois. Avec ses origines troubles, son design très marqué et ses incohérences parfois fLagrantes, la P01 est un véritable OVNI dans la gamme du Tudor. Une montre atypique, c’est sûr, mais avec une identité forte. Et qui ne laissera personne indifférent. Coup de maître ou coup dans l’eau ? C’est à vous de voir…Mais qu’il est agréable de voir des marques comme Tudor proposer quelque chose de différent ! Et les professionnels ne s’y sont pas trompés, en lui décernant le Grand Prix d’Horlogerie de Genève 2019, catégorie Challenge.
Montre Tudor Black Bay P01 / Caractéristiques
- Boîtier : Acier inoxydable 316L
- Largeur : 42mm
- Epaisseur : 13,6mm
- Type de verre : Verre saphir bombé
- Fond de boîte : Plein
- Mouvement : Automatique / Calibre MT5612 (COSC)
- Réserve de marche : 70 heures
- Bracelet : Hybride cuir et caoutchouc
- Boucle : Déployante avec fermoir de sécurité
- Résistance à l’eau : 20 ATM / 200 mètres
- Garantie : 5 ans
mai 11, 2020
Hum, elle est délicieusement moche…
Ah les goûts & les couleurs !