H. Moser & Cie, c’est un peu l’enfant terrible de l’horlogerie de luxe. Différent, provoquant, mais suffisamment doué pour qu’on lui pardonne ses frasques. Alors quand il s’aventure dans le domaine ultra-concurrentiel des montres de sport acier à bracelet intégré, notre curiosité est forcément piquée. Comment rivaliser avec les champions de la catégorie, les Royal Oak, Nautilus et autres Overseas ? Regardons de plus près la dernière création de cette maison qui aime faire les choses différemment : la Streamliner Flyback Chronograph Automatic.
H. Moser & Cie, né en Russie
H. Moser & Cie est une maison horlogère fondée en 1848 par Heinrich Moser (d’où le « H » du nom de la marque), horloger suisse de son état. Elle possède une histoire un peu à part. En effet, elle fut fondée non pas en Suisse, mais à Saint Pétersbourg, en Russie. Les montres Moser habillaient les poignets des princes et des Tsars…et même d’un certain Vladimir Lénine. Celui-là même qui sera à l’origine de la révolution d’octobre 1918, qui met fin à l’aventure russe de la compagnie. Moser doit alors rentrer sur ses terres helvétiques, à Neuhausen am Rheinfall, où la compagnie avait pris soin de garder ses ateliers. Après diverses péripéties, faillites et rachats, Moser a finalement été repris par la famille Meylan en 2012. Une véritable garantie d’indépendance et de liberté, personnalisée par Edouard Meylan, PDG de la marque.
Moser aime se différencier. Et cela se retrouve jusque dans sa communication. Loin des discours parfois pompeux des grandes manufactures historiques, Moser adopte un ton décalé, voire irrévérencieux. Quitte à se moquer – gentiment – de ses homologues plus sérieux. Ce discours atypique a permis à la marque non seulement de faire parler d’elle, mais aussi de se forger une image à part, de se démarquer. La philosophie de la marque, un savant mélange d’innovation et de sobriété, ne serait rien sans cette audace, cet esprit disruptif. Cette volonté de faire quelque chose de véritablement nouveau. Une vraie gageure dans le monde parfois très conservateur de l’horlogerie de luxe.
Un chronographe vraiment à part
Le nom « streamliner » vient des locomotives à grande vitesse qui sillonnaient les chemins de fer d’Europe et d’Amérique du Nord des années 30 à 50. Elles adoptaient des profils oblongs, aérodynamiques et monobloc, faits de lignes tendues d’un bout à l’autre du véhicule. En un mot : fluide. Et c’est bien dans cet esprit que la Streamliner de Moser fut créée. Fluide. Moser n’a pas l’habitude de faire comme tout le monde. Loin de là. Et la Streamliner en est un nouvel exemple. Il s’agit bien d’un chronographe – et même du premier chronographe automatique de l’histoire de la marque. Et pourtant, au premier regard, difficile de dire que la Streamliner en est un ! Car là encore, Moser a choisi une approche très personnelle : pas de compteur séparé, ni lunette externe comme c’est le cas habituellement. Au contraire, le cadran est entièrement dédié à sa fonction de chronographe, qui est remise au centre de la montre, au sens propre comme au figuré. Comme le dit Edouard Meylan, « la Streamliner est un chronographe qui donne l’heure, et non une montre qui fait aussi chronographe ».
Toutes les aiguilles sont centrales, ce qui est un élément déterminant dans le dessin de la montre. En effet, cela permet d’avoir un cadran épuré, voire minimaliste, impossible à obtenir avec un design classique. Un modèle de sobriété, très typique de Moser. Il présente un dégradé de gris « fumé », une autre signature de la marque. Le centre est gris clair, tandis que les bords externes sont presque noirs. Associée à un brossage vertical qui lui procure une véritable texture, cette couleur si particulière donne au cadran beaucoup de vie, au grès des différents éclairages. Les aiguilles des heures et minutes sont dotées de blocs de Globolight, un mélange de céramique et de SuperLuminova qui assure une excellente vision nocturne. L’aiguille qui égrène les minutes du chronographe est grise, tandis que son homologue des secondes est rouge. Une touche de couleur bienvenue, qui renforce le côté sportif de la montre, tout en améliorant la lisibilité. Il n’y a pas de marqueurs d’heures à proprement parler. Seulement des marqueurs rouges toutes les 5 minutes, intégrés à une minuterie très « racing ». L’échelle tachymétrique n’est pas présentée sur une lunette externe, comme c’est habituellement le cas, mais gravée sur le rehaut. À midi, trône un « 60 », seul élément en relief du cadran. Il évoque à lui tout seul la fonction de la montre, en faisant référence aux chronographes des années 60 et 70 et à leur numérotation imposante.
Le boÎtier d’un diamètre de 42,3mm adopte une forme de coussin, tout en lignes courbes. Avec sa surface légèrement bombée qui culmine à 14,2mm de hauteur, il prend même des allures de galet. Les poussoirs du chronographe épousent parfaitement la courbure de la boite. Ils ont été placés à 10h et 2h, et donnent ainsi à la Streamliner un profil très particulier dit « bullhead », typique des chronographes des années 70. La couronne, signée, a été repoussée à 4h pour garder une certaine symétrie. Le tout est étanche à 120 mètres. À noter que, bien qu’il ne s’agisse en aucun cas d’une plongeuse, les fonctions de chronographe de la Streamliner sont activables sous l’eau. Au cas où vous auriez besoin de chronométrer vos longueurs de bassin…
Un bracelet comme point de départ
Une fois n’est pas coutume, le bracelet de la Streamliner mérite une attention toute particulière. Et pour cause : de l’aveu même de son designer, Marcus Eilinger, c’est bien le bracelet qui fut le point de départ du dessin de la montre. Véritable pièce maitresse de la Streamliner, il lui donne une identité visuelle très forte. Ici encore, le mot d’ordre est « fluidité ». Les maillons d’acier sont ciselés selon une forme complexe, à mi-chemin entre une vague et un aileron de voiture. Un dessin qui, d’ailleurs, n’est pas sans évoquer le bracelet de l’Ebel Wave. Les flancs brossés contrastent avec les arrêtes polies, pour permettre de magnifiques jeux de lumière, quand celle-ci fait briller le bracelet maillon par maillon. Hypnotisant. Avec une telle architecture, l’ensemble est évidemment très souple et confortable, et fait preuve d’une excellente ergonomie grâce à sa double boucle déployante.
Un mouvement d’exception
Depuis sa création, Moser a mis un point d’honneur à produire ses propres mouvements. Ce ne sont pas moins de 14 calibres « maison » qui ont été développés à ce jour par la marque. Moser a acquis une réelle expertise dans ce domaine, et produit même des pièces très spécifiques (et habituellement sous-traitées) comme les spiraux et les organes réglants. La Streamliner est animée par un mouvement tout à fait exceptionnel et créé spécifiquement pour elle : le HMC902. Il fut conçu en partenariat avec Agenhor : Atelier Genevois d’Horlogerie, une société extrêmement réputée, spécialisée dans la conception de mécanismes horlogers complexes. La première chose qui saute aux yeux en retournant la montre, c’est l’absence de masse oscillante. Ou plutôt, l’absence de masse oscillante visible. En effet, celle-ci, en tungstène, est placée non pas devant le mouvement, comme à l’accoutumée, mais plutôt derrière le mouvement, juste sous le cadran. Cette disposition très particulière n’a d’autre but que de laisser le calibre HMC902 bien à la vue. Et quelle vue ! Un vrai spectacle ! La finition est tout bonnement incroyable. Autour de la roue à colonnes, les perlages se succèdent aux côtes de Genève pour un résultat époustouflant. Les plus attentifs d’entre vous remarqueront même une silhouette de Batman sur le pont central. Un petit clin d’œil à la pop culture, très typique de l’esprit de Moser. Mais ce mouvement n’est pas seulement beau. Il est également techniquement très abouti. Il possède par exemple un embrayage horizontal à roue à friction, qui permet d’éviter les « sauts » d’aiguilles au déclenchement du chronographe. Avec ses 434 composants et 55 rubis, il n’offre pas moins de 54 heures de réserve de marche.
Le Flyback ? C’est-à-dire ?
La fonction « flyback » n’est pas commune parmi les chronographes. Loin s’en faut. Très complexe à mettre en œuvre, elle ne se rencontre que dans les mouvements les plus pointus. Elle permet la remise à zéro et le redémarrage instantané du chronographe, grâce à une seule pression sur un poussoir (celui placé à 10h). Elle a pour but la mesure de temps intermédiaires, comme les tours successifs d’une voiture de course par exemple.
Un objet de design
La Streamliner est un modèle volontairement atypique. Techniquement très abouti, c’est un chronographe qui n’en a pas l’air. Avec ses lignes fluides et son cadran épuré, la Streamliner est avant tout un objet de design audacieux. Une véritable prouesse pour Moser, qui a su sortir de sa zone de confort tout en restant fidèle à son ADN. Une petite merveille horlogère, à la fois différente et clivante. Quoi de mieux pour définir une Moser ? Pour l’instant, la Streamliner est une production limitée à 100 pièces, qui s’échangent contre 38.000€ chacune. Mais qui sait ce que Moser nous réserve avec ce modèle ?
Montre H. Moser Streamliner Flyback Chronograph Automatic / Caractéristiques
- Boîtier : Acier inoxydable / Finition brossée et polie
- Largeur : 42,3mm
- Epaisseur : 14,2mm
- Entrecorne : 20mm
- Type de verre : Saphir légèrement bombé
- Lunette : Aluminium eloxé
- Fond de boîte : Transparent
- Mouvement : Automatique Manufacture HMC 902
- Complication : Flyback
- Réserve de marche : 54 heures
- Bracelet : Acier inoxydable
- Boucle : Déployante
- Résistance à l’eau : 12ATM / 120m
- Garantie : 2 ans