Après Auricoste, penchons nous sur l’histoire d’une autre maison horlogère. Glycine est un nom qui résonne forcément chez les amateurs d’horlogerie des années 60 et 70, avec notamment des modèles iconiques comme l’Airman et la Combat. Entre innovations techniques révolutionnaires, carrière militaire, meurtre sordide, conquête spatiale et multiples rachats, l’histoire de Glycine est pleine de rebondissements que nous vous faisons découvrir sans plus attendre.

1914 : création de Glycine à Bienne

Eugène Meylan naît en 1891 au Chenit, dans le canton de Vaud, dans le Jura suisse. En 1910, il intègre le cursus d’horlogerie de l’Ecole d’Arts Appliqués de La Chaux-de-Fonds. Élève doué, il est même récompensé pour l’une de ses propres créations, qu’il soumet avec succès au COSC. À peine sorti de son école, en 1914, Meylan fonde sa propre marque horlogère, nommée La Glycine, sans doute en référence à la plante grimpante au parfum entêtant. Les ateliers sont basés à Bienne, autrement connue pour abriter le siège d’Omega. Entre 1914 et 1930, l’entreprise de Meylan change plusieurs fois de nom, au gré des collaborations et des rachats. À cette époque, les pièces signées Glycine sont essentiellement des montres de poche, ou bien des montres-bracelets pour femmes, reconnues pour leurs composants interchangeables, permettant ainsi un entretien bien plus facile.

1930 : le premier module de remontage automatique

Suite à un rachat, Eugène Meylan est écarté de la marque dont il est pourtant le fondateur. Mais, loin de se décourager, il fonde son propre atelier : l’E.M.S.A. (Eugène Meylan Société Anonyme), avec un but en tête : travailler sur son propre mécanisme de remontage automatique. Le résultat est tout bonnement révolutionnaire : Meylan conçoit un module de remontage automatique pouvant être ajouté à quasiment n’importe quel calibre de 8.75 lignes (19.74mm). Une innovation protégée bien entendu par plusieurs brevets déposés en 1930. Homme d’affaires avisé (et peu rancunier), il s’associe à Glycine pour produire des mouvements automatiques en série, qui permettront à la marque de survivre à la crise des années 30. En 1942, ce même mouvement est acheté par l’ASUAG (Allgemeine Schweizerische Uhrenindustrie AG, ou en français : Société Générale de l’Horlogerie Suisse SA, l’ancêtre du Swatch Group). Ainsi, grâce à la puissance financière de l’ASUAG et au savoir-faire de Glycine, le premier mécanisme de remontage automatique bi-directionnel voit le jour en 1940. En parallèle, pendant la Seconde Guerre mondiale, Glycine fournit des montres aux soldats de la Wehrmacht, l’armée de terre allemande.

1953 : l’Airman 24H, l’iconique montre 24H à 2 fuseaux horaires

1953 est une année capitale pour l’horlogerie moderne. C’est l’année de sortie des 3 premières montres de plongée professionnelle, la Rolex Submariner, la Blancpain 50 Fathoms et la Zodiac Sea Wolf. Mais c’est aussi l’année de sortie du modèle phare de Glycine : l’Airman. Et son histoire n’est pas commune ! À l’été 1953, Samuel Glur, un représentant de Glycine, est en voyage en Asie du Sud-Est. Là, il rencontre un pilote de la Thai Airlines, le capitaine Chat Brown. Celui-ci suggère à Glur un cahier des charges précis, pour une montre de pilote. Étanche, automatique, avec date, et un affichage 24 heures : sur un cadran gradué en 24 heures, l’aiguille des heures fait un tour en 24 heures au lieu de 12 heures, tandis que les aiguilles des minutes et des secondes conservent leur courses habituelles, respectivement un tour en 60 min et 60 secondes. Ajoutez à cela une lunette rotative graduée en 24 heures, et vous obtiendrez l’Airman, une montre capable d’afficher deux fuseaux horaires, deux ans avant la sortie officielle de la Rolex GMT-Master. Une complication très utile pour tous les pilotes du monde entier, qui leur permet de suivre l’heure locale ainsi que l’heure GMT de Greenwich, qui sert de référence dans le monde aéronautique. Les grands voyageurs y trouvent également leur compte, en suivant à la fois l’heure de leur domicile, et l’heure locale.

L’Airman connut un succès immédiat. Et en particulier auprès de l’US Air Force. Ainsi, l’Airman est vendue dans les boutiques d’échange présentes sur les bases américaines du monde entier, et on la retrouve notamment aux poignets des soldats américains engagés au Vietnam (1955-1975). Glycine fournit également l’Airman pour différentes armées, en y apposant parfois le blason de l’unité concernée sur le cadran. Avec un tel succès auprès des militaires, le marché civil n’a pas tardé à suivre, et rapidement l’Airman s’est imposée comme le best-seller de Glycine. Même la prestigieuse AOPA (Aircraft Owners and Pilots Association) commande un lot d’Airman pour ses membres. Et en 1965, l’astronaute Pete Conrad embarque à bord de la navette Gemini V avec la Glycine Airman au poignet, pour un vol orbital de 8 jours. Une véritable consécration !

Depuis, l’Airman est la pierre de voute du catalogue Glycine. En plus de 70 ans de carrière et 6 générations successives, l’Airman peut prétendre au statut d’icone horlogère. Aujourd’hui, elle est déclinée sous 2 formes : une GMT « classique » à cadran 12H, et une version dite « puriste », fidèle au modèle original de 1953, avec son cadran 24H. Les couleurs de cadran et les diamètres peuvent varier, mais l’Airman conserve toujours son design très fort de baroudeuse à toute épreuve, capable de vous accompagner au bout du monde, tout en vous indiquant l’heure de chez vous.

1955 : assassinat d’Eugène Meylan

Un fait divers défraie la chronique le 24 Septembre 1955. Eugène Meylan, le fondateur de Glycine, trouve la mort près de Neuchâtel, à l’âge de 64 ans, dans des circonstances dramatiques. Il est assassiné à coups de pierres par Edouard Glatz, un jeune apprenti mécanicien, qui écopera de 5 mois de prison ferme.

1959 : la Vaccum, la montre sous vide

L’année 1959 marque un autre tournant dans l’histoire de Glycine, avec la mise au point d’un boîtier novateur : le boîtier sous vide ! La marque développe un boîtier mono-bloc associé à un verre plat, scellé par un système de triple-joints au niveau de la couronne, pour garantir une étanchéité maximale. Puis, le tout est mis sous vide d’air. Les avantages sont multiples : les huiles de lubrification durent plus longtemps, le mécanisme est protégé de la poussière et de l’humidité, et l’étanchéité atteint 250 mtres ! Les montres ainsi équipées, baptisées Vaccum (vide d’air en anglais), sont même livrées avec un appareil pour refaire le vide d’air tous les 3 à 5 ans. Pour la petite histoire, le brevet n’appartient pas à Glycine mais à un horloger du nom de Hans-Ulrich Klingenberg, ce qui explique pourquoi ce système de vide d’air se retrouvera sous d’autres marques, comme Jaquet-Girard (avec les modèles Airvac 400 et Airvac 800), ou encore Marvin.

1967 : la Combat, l’hommage aux troupes terrestres

Si l’Airman est une montre d’abord destinée aux pilotes, Glycine souhaite également rendre hommage aux aventuriers de la terre ferme, aussi bien militaires que civils. Ainsi en 1967, Glycine inaugure une véritable field-watch, baptisée « Combat ». Côté mécanique, elle est animée par le même mouvement que celui de l’Airman de seconde génération, équipé d’un stop-seconde. Elle utilise un boîtier « compressor » fabriqué par Ervin Piquerez S.A. (EPSA) et on y retrouve également la double numérotation 1-12 et 13-24, typique des field-watch. Dès la fin des années 60, la Combat se taille une place de choix à l’ombre de l’Airman, et devient la 2ème collection la plus importante pour Glycine.

Des changements de propriétaires très (ou trop?) nombreux

Si la qualité des montres Glycine n’a jamais été remise en cause, il n’en va pas de même pour celle de son management. De sa création à aujourd’hui, la marque connaît un nombre incalculable de rachats, reprises et autre fusions. Les directions se succèdent, au gré des difficultés financières, avec notamment l’inévitable crise du quartz des années 70-80. Cette instabilité est peut être ce qui explique le manque de notoriété de Glycine, malgré son héritage et son savoir-faire incontestables. Depuis 2016, Glycine est détenu par le groupe Invicta. Et si ce nom ne fait pas rêver, c’est au moins la garantie d’une assise financière suffisamment solide pour remettre Glycine sur le devant de la scène. Affaire à suivre donc.

Visitez le site officiel de Glycine.