C’est une marque française qui s’est créée un créneau unique. En l’espace de 8 ans, Sartory Billard a parcouru son petit bout de chemin, discrètement mais efficacement, en créant des pièces sur-mesure toujours plus complexes. Suite à la récente sortie de la SB07, nous avons passé un moment à échanger avec le fondateur et gérant de la marque, nous vous nommé Armand Billard.

Ludovic : En quelques mots, qui est Armand Billard ?

Armand : Donc je m’appelle Armand, j’ai quarante-huit ans cette année et j’ai passé la majeure partie de ma vie professionnelle à être designer industriel. J’avais une agence établie à Paris, et en 2015 j’ai eu la chance ou la possibilité que ma société soit intégrée à un groupe un peu plus grand après quoi j’ai pu me consacrer entièrement à ma passion horlogère. À partir de ce moment-là, j’ai créé la marque Sartory Billard, avec Ludovic Sartory à l’époque qu’il a quittée depuis, donc maintenant je suis seul aux commandes et je crée donc des montres sur-mesure pour mes clients.

Ludovic : Quand as-tu commencé à t’intéresser aux montres ?

Armand : J’ai commencé à m’intéresser aux montres quand j’avais une grosse vingtaine d’années. Je n’avais pas beaucoup de pièces, mais j’ai vraiment compris, en fait, que l’horlogerie était un territoire de design absolument incroyable quand en 2004 j’ai découvert la Cartier Santos 100 XL. C’est une montre que j’ai pu acquérir à cette époque ainsi que d’autres pièces assez modestes, mais qui m’ont fait comprendre que le territoire de seize centimètres carrés d’une montre était absolument incroyable et propice à toutes les explorations au design.

Ludovic : Et quelle est celle qui a déclenché ton amour pour l’horlogerie ?

Armand : C’est vraiment ça qui a déclenché mon amour pour l’horlogerie, beaucoup plus que du côté du mouvement. Donc je me suis vraiment toujours intéressé à ce qui se passe dans la partie cadran, parce que pour moi, c’est ce qu’on voit et c’est ce qui reflète le plus, comment dire, la personnalité du possesseur de la montre. Donc, c’est vraiment sous ce biais-là que je suis tombé amoureux de l’horlogerie et que j’ai poursuivi mon travail.

Ludovic : Comment ton cursus de designer affecte ton approche dans la montre ?

Armand : C’est vraiment ce côté design et esthétique de la montre qui me touche. Je suis sensible au mouvement, mais toujours plutôt de leur côté esthétique également. Les fonctionnalités m’impressionnent quand il s’agit de grandes complications ou de choses comme ça, mais je regarde moins comment le mouvement marche. Je regarde plutôt, en fait, l’esthétique de la pièce sous tous ses angles. Donc pour moi, la montre, c’est un c’est un projet de design complet qu’on doit considérer avec le cadran, la boîte, le mouvement, aussi bien bracelet à la boucle. J’ai plus de mal avec les montres qui sont uniquement jolies du côté cadran ou uniquement jolies du côté mouvement. Ça, je pense que c’est mon approche de designer sur le sujet.

Ludovic : Au départ de ton associé en 2018, tu as opéré un grand virage en te concentrant sur le sur- mesure. Pourquoi avoir choisi cette nouvelle direction ?

Armand : Effectivement, quand Ludovic Sartory est parti en 2018, j’ai décidé de me consacrer au sur-mesure parce que c’est le désir que mes clients ont manifesté. Et peut-être aussi qu’ils ont compris ma sensibilité esthétique et ma sensibilité de designer. Assez rapidement, j’ai été ému, touché par des clients qui me disaient, voilà je voudrais une montre mais je ne trouve pas cette couleur, je ne trouve pas ce type de cadran, je ne trouve pas cette terminaison, ou je veux une montre qui fasse appel à ma culture ou à mes références stylistiques. Et souvent, ce sont des pièces tellement particulières que les clients collectionneurs ne les trouvaient pas chez les détaillants. Donc ils ne pouvaient pas trouver ou porter une montre qui les reflète entièrement. Pour moi, ça a été une évidence. C’est en travaillant dans l’horlogerie que j’ai compris que je devrais être ce pont entre la créativité personnelle de mes clients et la création du produit. Et je pense que c’est vraiment cette capacité de designer que j’ai, à comprendre les ambitions esthétiques et à les transformer en produit réel.

Ludovic : Avec la SB04, tu as fait une montée en gamme drastique. Ton objectif est-il de continuer dans ce sens?

Armand : Oui, elle est drastique dans le sens où quand tu commences à faire des pièces sur-mesure, tes clients emmènent sur des territoires qui sont de plus en plus haut de gamme. Il ne s’agit pas seulement de peindre un cadran, mais il s’agit d’aller chercher des pierres, des terminaisons et des finitions qui sont exclusives. Un travail qui va toucher tous les éléments de la montre : la boîte, le cadran, le bracelet, la boucle et bien entendu les décorations sur le mouvement. Et plus on travaille dans ce sens-là, plus ça fait du sens. Donc oui, l’objectif est de continuer comme ça, mais c’est pas faire du haut de gamme pour faire du haut de gamme, c’est toujours trouver des pièces qui soient le support de la créativité de mes clients. Ce sont eux qui me poussent à travailler des pièces qui sont de plus en plus haut de gamme, parce que c’est ma clientèle et qu’ils sont avides de trouver des pièces qui associent leur passion horlogère et leur envie de personnalisation.

Ludovic : À quoi ressemble le porteur type d’une montre Sartory Billard ?

Armand : C’est quelqu’un qui a une expérience horlogère qui est déjà assez avancée. Il a une collection de montres souvent assez conséquente et il a découvert l’horlogerie bien entendu par les marques les plus institutionnelles ou les mieux représentées chez les retailers. Au bout d’un moment, ces gens qui collectionnent les montres comme des objets mécaniques/esthétiques, ils se posent la question de trouver des relations plus personnelles avec les horlogers, et c’est à ce moment-là qu’ils découvrent les indépendants. Et quand ils commencent à découvrir le monde des indépendants, je pense qu’ils s’émerveillent une seconde fois et qu’ils peuvent reconsidérer une collections horlogère, non pas seulement comme la collection de pièces très classiques et très connues dans tout l’univers horloger, comme celles des grandes marques (Rolex, Patek, Audemars Piguet, etc.) mais ils retrouvent une passion horlogère en travaillant avec des indépendants qui vont être à leur écoute et qui vont créer des pièces qui reflètent leur ambition horlogère.

Ludovic : Qu’est-ce qui te plaît le plus dans le fait de concevoir tes propres montres ?/strong>

Armand : C’est tout à fait corrélé à ta précédente question. C’est ce qui me plaît le plus dans créer les montres. Ce qui me plaît, c’est l’aventure. C’est l’expérience autour de la création de sa montre. C’est l’envie, pour le client, d’avoir une pièce originale et donc en fait le challenge que ça représente pour moi en tant que créateur indépendant de pouvoir répondre à leurs attentes et de faire les pièces qui sont les plus pertinentes.

Ludovic : D’ailleurs comment se déroule l’achat d’une montre Sartory Billard ?/strong>

Armand : Ça se déroule en deux étapes principales. La première, c’est l’envie de créer une pièce unique. Donc c’est le design. C’est cet échange qui est autour des matériaux, des finitions et des couleurs qu’on va pouvoir mettre dans leur montre. Alors bien entendu, aujourd’hui, on a quatre modèles dans la gamme, puis ça grandit à l’heure même où je te parle, mais c’est cette partie design qui représente une grande partie du temps. Ça peut prendre de plusieurs semaines à plusieurs mois afin de vraiment concevoir la pièce. Et après, l’autre partie, c’est la patience. Parce qu’il faut considérer qu’il est nécessaire d’attendre parfois six mois, voire même un an avant que la montre puisse être réalisée parce que les sous-traitants sont à identifier, il faut leur transmettre les demandes, il faut attendre qu’ils sachent réaliser le cadran ou la décoration spécifique, etc. Ce moment de patience est en même temps un grand moment d’excitation pour le client parce que il va suivre la création de son projet tout du long. Il va pouvoir découvrir les différentes étapes et vraiment assister à la naissance d’une pièce qui lui est complètement personnelle.

Ludovic : Le public ne se rend peut-être pas compte des efforts nécessaires à la réalisation de chaque pièce. Peux-tu nous en dire plus sur le processus de fabrication ?

Armand : Les efforts nécessaires sont immenses parce qu’il faut trouver les sous-traitants, des gens d’arts et métiers ou avec des capacités techniques et esthétiques uniques. C’est là où c’est très compliqué parce que je peux avoir des demandes très particulières. Alors, bien entendu, on parle des guillochés mais parfois, il faut changer un motif pour un client spécial. Là, j’ai sorti une montre assez amusante mais très personnelle où il a fallu créer un cadran complet qui ressemble à une tablette de chocolat. Donc, il a fallu créer un nouveau motif de guilloché dans un cadran et il a fallu travailler sur les couleurs et les textures. On va aussi travailler avec des gens qui vont peindre patiemment des cadrans à la main et ça va mettre des semaines, ou alors se lancer dans les territoires beaucoup plus complexes comme créer un cadran à partir d’une puce informatique ou de choses qui sont absolument inusuelles et qui demandent beaucoup de recherches pour trouver qui est capable de créer cette pièce pour ce client, parce que pour lui, elle fait énormément de sens. Donc le processus de fabrication, c’est la discussion de design, l’identification de ceux qui sont capables de participer à la création de la pièce et puis, bien entendu, toute la partie d’assemblage. Et on a des montres qui sont quand même parfois très complexes et donc très techniques à assembler.

Ludovic : C’est un projet plutôt singulier. Comment vois-tu le futur de la marque ?

Armand : C’est effectivement un projet très singulier parce que je crois que dans la création de montres bespoke, il y a assez peu d’acteurs. Surtout à ce niveau-là et dans ces gammes de prix-là, bien qu’elles soient des montres qui ont un certain coût. On commence à peu près à cinq mille euros et aujourd’hui, on fait des montres qui peuvent pour certaines coûter plusieurs dizaines de milliers d’euros. Donc, c’est c’est un projet très singulier car je suis quasiment le seul horloger à proposer ça aujourd’hui sur le marché à ce niveau-là. Et pour moi, ça va continuer comme ça, parce que créer des montres, c’est c’est un métier merveilleux. Mais surtout ça donne un sens à la marque, c’est vraiment sa colonne vertébrale.

Ludovic : Et sinon, à part entreprendre, as-tu d’autres passions dans la vie ?

Armand : C’est une question un peu plus compliquée puisque en même temps, mon travail c’est une passion. Donc, bien entendu, les deux s’additionnent, je suis passionné d’horlogerie mais ce ne serait pas la seule chose. J’aime également beaucoup profiter du calme et de la nature sous toutes les formes que ce soit. Je pense que c’est un équilibre nécessaire. Après, je suis un père de famille et je consacre tout le temps possible à mes enfants. J’ai eu la chance d’énormément voyager dans ma vie quand j’étais trentenaire et j’apprécie toujours voyager, mais aujourd’hui je me concentre plus sur le temps à passer avec ma famille dans le calme, parce que mon métier est très mouvementé et parfois assez éreintant.

Ludovic : Un petit mot pour la fin ? Une primeur sur un projet en cours ?

Armand : Oui, on a des pièces de haute horlogerie qui vont être présentées en fin d’année. Tu en auras la primeur et tu pourras découvrir ce que c’est. Mais encore une fois, toujours dans la création de pièces sur-mesure, très exclusives, on monte d’un cran. On va proposer des complications horlogères qui sont connues, mais très esthétisantes et on va faire de très belles montres autour de ces complications. Ça nous donne par ailleurs le souffle nécessaire pour envisager d’autres projets qui vont toujours aller dans le sens de montres très personnalisables où le cadran tient une place prépondérante et où il peut exprimer toute la créativité du client. Et merci aussi pour ton intérêt puis pour les beaux échanges qu’on a eu. J’espère discuter très prochainement avec toi !

Visiter le site officiel de Sartory Billard.