Si l’horlogerie américaine n’est pas la plus réputée, Bulova fait partie des exceptions. Une genèse qui ressemble au rêve américain, une montre révolutionnaire et un passage sur le sol lunaire… La marque de New-York n’a pas grand chose à envier à ses homologues européennes. Alors voici un retour sur l’histoire de Bulova, de l’Accutron à la lune.

Le rêve américain

Joseph Bulova naît en 1851 en Bohème, une région d’Europe centrale, aujourd’hui située en République Tchèque. Il y apprend le métier d’horloger avant d’émigrer à New-York en 1869, et d’y ouvrir, en 1875, son atelier d’horlogerie artisanale baptisé J. Bulova Company. En 1912, il lance la construction d’une usine moderne de montres en série à Bienne, en Suisse, également connue pour être le siège d’Omega. Sa production rencontre un vif succès aux États-Unis et l’entreprise prend de l’ampleur.

Les années 20-30 sont marquées par un style art-déco très prononcé, avec de nombreux modèles aux formes typiques carrées ou rectangulaires, comme la Banker ou la Breton, ou bien avec des boîtiers à anses, comme la Commodore. Trois modèles qui profitent d’ailleurs de rééditions modernes, au sein de la collection Joseph Bulova. Parallèlement, et pour garantir une meilleure précision à ses montres, Bulova installe, en 1927, un observatoire astronomique au sommet d’un gratte-ciel new-yorkais, à la manière des observatoires alpins, pour déterminer avec précision le Temps Universel. 

Au début des années 30, Bulova crée même une deuxième marque, nommée Westfield Watch Company. Et, à l’image de Tudor pour Rolex, Westfield est destinée à produire des montres plus abordables que des Bulova, en sacrifiant quelques raffinements. Les mouvements sont moins perfectionnés, et les boîtiers ne bénéficient pas du même niveau de finition. Westfield produit des montres jusque dans les années 60, avant de cesser officiellement toute activité en 1989.

L’Accutron ou la révolution horlogère selon Bulova

L’année 1960 marque un tournant dans l’histoire de Bulova. En effet, c’est le 25 octobre de cette année que sort ce qui deviendra la montre emblématique de la marque : l’Accutron, pour Accuracy through Electronic (la précision par l’électronique). Mais pour comprendre l’origine de cette montre révolutionnaire, il faut remonter 10 ans auparavant, et à son inventeur. En 1950, l’ingénieur suisse Max Hetzel rejoint Bulova, à la succursale de Bienne, en Suisse. Il planche alors sur un mouvement extraordinairement innovant : le calibre 214, pour lequel il dépose la bagatelle d’une vingtaine de brevets. Et, pour l’anecdote, ce même Max Hetzel travaillera ensuite sur le mouvement à quartz “collaboratif” suisse Beta 21, au sein du CEH. Contrôlé par un transistor, le calibre 214 utilise un circuit électronique à diapason excité à la fréquence de 360Hz pour remplacer le traditionnel balancier. Cette solution permet une précision bien supérieure à n’importe quelle montre mécanique avec une dérive inférieure à 2 secondes par jour.

Étonnamment, l’Accutron n’est pas la première montre électronique au monde. Ce titre revient à la Hamilton Electric, sortie en 1957. Mais au début des années 60, c’est bien l’Accutron qui marque les esprits et qui fait entrer Bulova dans la cour des grands. Et le talent marketing de la marque n’y est pas pour rien. La montre fait même la couverture du Times, avec son slogan : “so revolutionary, so accurate, it’s the first timepiece in history that’s guaranteed 99.9977 accurate on your wrist” (si révolutionnaire, si précis, c’est la première montre de l’histoire qui garantit une précision de 99,9977% à votre poignet). Et les ventes suivent : en 1973, plus de 4 millions d’Accutron sont vendues.

Bulova et la conquête de l’espace

Décidément, Bulova a le vent en poupe dans les années 60-70. La marque se tourne même vers l’espace et les programmes spatiaux de la NASA. Mais on connaît la suite : c’est le chronographe Speedmaster d’Omega qui est choisi pour accompagner les astronautes sur la lune. Mais en 1971, lors de la mission Apollo 15, le commandant David Scott décide d’emporter avec lui son chronographe Bulova (réf. 88510/01), en plus de sa Speedmaster réglementaire. Et grand bien lui en a pris, car lors de sa deuxième sortie sur le sol lunaire, le verre de son Omega saute, rendant sa Speedmaster inutilisable. Il prend donc, pour sa troisième sortie, sa montre de secours, faisant du chronographe de Bulova la seule autre montre (en plus de la Speedmaster) a avoir foulé le sol lunaire, et qui lui vaut le surnom de Bulova Moon Watch. La montre de Scott est vendue en 2015 aux enchères pour 1.625 millions de dollars et en 2017, Bulova dévoile des rééditions de ce chronographe devenu légendaire.

Mais le chronographe de Bulova n’est pas le seul à avoir été adopté par la NASA, puisque dès le début des années 60, la célèbre agence américaine utilisera également des Accutron, réputées pour leur extrême précision, ou des matériels équipés du mouvement à diapason signé Bulova. L’Accutron Astronaut, avec son aiguille GMT 24 heures, équipe par exemple les astronautes du programme Mercury 7 dès 1963, faisant d’elle la première montre à quartz à visiter l’espace. On peut citer également la fameuse mission Apollo 11 où les premiers hommes à avoir marché sur la lune y ont déposé un sismographe équipé d’un mouvement Accutron, qui est d’ailleurs resté là-bas depuis 1969.

La Computron, la montre LED des années 70

Alors que la crise du quartz fait des ravages dans les rangs des manufactures suisses traditionnelles, Bulova ne reste pas les bras ballants. La marque américaine sort la Computron en 1976. Il s’agit alors de la première montre à quartz de la marque, mais aussi sa première montre à affichage LED (à ne pas confondre avec les affichages par LCD, autrement dit les cristaux liquides). La Computron se distingue par son boîtier anguleux entièrement cannelé et par son fonctionnement par pression, typique des montres LED. En effet, l’affichage par LED est très gourmand en énergie et, pour économiser la batterie, il n’est pas permanent et ne se déclenche qu’avec une pression sur un bouton. Il en va de même pour les autres montres LED de l’époque, comme l’Hamilton Pulsar ou l’Omega TC1/TC2.

Une stratégie marketing moderne présente sur tous les médias

Dès le début des années 20, Bulova met en place une stratégie commerciale moderne, voire avant-gardiste. La marque met d’ailleurs un point d’honneur à être présente sur tous les médias. Tout d’abord la presse écrite, bien évidemment, avec notamment une campagne publicitaire dans l’hebdomadaire national Saturday Evening Post. Puis la radio à partir de 1926. Bulva se targue même d’avoir produit l’un des premiers spot publicitaire à la radio, avec une annonce diffusée dans tout le pays : “At the tone, it’s eight o’clock, Bulova Watch Time” (Au bip, il sera 8 heures, heure de Bulova). Par la suite, Bulova continue d’envahir les ondes, et d’ici 1940, la marque new-yorkaise sponsorise les 20 plus importantes émissions radio du pays. Et enfin, la télévision à partir de 1941. En effet, le 1er Juillet 1941 marque un tournant pour la télévision américaine : c’est le premier jour où la publicité est officiellement autorisée. Et Bulova ne voulait certainement pas rater le coche. Elle fait donc partie des marques qui diffusent leur annonce dès ce jour-là, juste avant un match de Baseball.

Ambassadeurs et coups de com’

Dès les années 20, Bulova multiplie les collaborations et autres coups de com’. En 1927, Bulova noue un partenariat avec Charles Lindbergh, nouvellement auréolé de son exploit, la première traversée solo de l’Atlantique en avion. On sait pourtant que le Spirit of St Louis n’était pas équipé par Bulova, mais qu’à cela ne tienne : la marque américaine récompense le pilote dès son arrivée d’une montre Boluva, et en fait son ambassadeur. Et de cette collaboration naît un modèle dédié à Lindbergh, nommé “Lone Eagle”. Cette technique marketing innovatrice n’est pas sans rappeler Rolex qui, la même année, mettait en avant son Oyster Perpetual grâce à Mercedes Gleitze, la première femme à traverser la Manche à la nage. En termes de marketing, Joseph Bulova n’avait rien à envier au fondateur de Rolex, Hans Wilsdorf. Puis dans les années 50, elle s’associe notamment à l’Académie des Oscars pour sortir des montres inspirées de la célèbre cérémonie des récompenses cinématographiques. Elle s’associe également au chanteur vedette Frank Sinatra et sponsorise ses émissions de télévision. D’ailleurs, certains modèles sortis en 2023 commémorent ce partenariat.

L’Accutron, utilisée par les chanteurs juifs

Voilà une anecdote comme on les aime. Dans la communauté juive, pendant le Shabbat, l’utilisation d’un diapason est déconseillée, en raison de sa similitude avec un instrument de musique. Les montres à diapason, comme l’Accutron, sont donc utiles car elles produisent une note constante, à 360Hz ce qui correspond au milieu entre un Fa et un Fa#, et qui peut être entendue sans compromettre les règles du Shabbat. Et c’est ainsi que l’Accutron trouve un regain de popularité au sein des chanteurs juifs.

Bulova aujourd’hui

En 2008, le groupe japonais Citizen rachète Bulova. Et depuis, Citizen redéveloppe la marque, en s’appuyant notamment sur les modèles historiques de la marque : les montres art-déco des années 20-30, mais aussi le chronographe “lunaire”, et bien évidemment l’Accutron qui bénéficie désormais de sa propre marque. Malgré tout, force est de constater que la marque américaine a perdu de sa superbe. Mais avec un tel héritage, on ne peut qu’espérer voir Bulova revenir vraiment sur le devant de la scène.

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