Les passionnés d’horlogerie adeptes de YouTube le connaissent bien. Xavier Sillon est aussi surprenant que novateur. Avec une approche centrée sur l’humain, il a cassé les codes de la plateforme américaine puis est allé bien plus loin. Cet entrepreneur aguerri à la carrière très réussie a décidé – comme beaucoup – de se recentrer sur sa passion. Mais pas comme les autres, pas du tout même. Voici le résultat d’une rencontre très intéressante et surtout enrichissante avec celui que vous connaissez sous le nom de Dialicious !

Ludovic : En quelques mots, qui est est Xavier Sillon ?

Xavier : Bonjour Ludovic, Je suis le fondateur de la plateforme Dialicious, le Tripadvisor des montres, et aussi de la chaîne YouTube du même nom lancée en 2019.

Ludovic : À quand remonte ta passion pour l’horlogerie ?

Xavier : C’est venu assez tardivement avec une première montre mécanique offerte par mes parents pour mes 30 ans. Après avoir cherché, visité des salons, mon choix s’est porté sur la TAG Heuer Série 6000 Chronomètre. J’ai bien sûr hésité entre quelques marques, quelques modèles selon les contraintes financières. Avec le recul, ce cheminement personnel, cette quête, est sans doute un marqueur important de ma passion pour l’horlogerie.

Ludovic : Te souviens-tu de celle qui a déclenché ton amour pour l’horlogerie ?

Xavier : La TAG Heuer est essentielle mais j’ai plus envie de te partager mon regret de ne pas avoir pu choisir à l’époque une Zenith El Primero Rainbow ! Même si je ne l’ai toujours pas achetée, elle symbolise la difficulté du choix tant la diversité de l’offre est fantastique, et l’énergie à chercher la prochaine… D’un point plus philosophique, j’ai été très marqué par un publireportage pour une IWC Da Vinci Quantième Perpétuel qui présentait de façon très émotionnelle, au travers la relation père-fils, la problématique de mesure du temps qui passe sur plusieurs siècles avec un QP (quantième perpétuel, NDLR)… alors qu’une montre 3 aiguilles ne mesure finalement qu’un cycle de 12 heures ! Essayer de comprendre pourquoi le temps est une flèche infinie est une question à laquelle je n’ai pas de réponse mais que je cherche sûrement dans les montres.

Ludovic : Y a-t-il quelque chose en particulier qui te fait craquer pour une pièce ?

Xavier : Je demande toujours à mes invités dans « Petites Montres Entre Amis » quelle va être leur prochaine montre alors que je ne suis pas en mesure d’y répondre moi-même ! Je me laisse guider par des modèles auxquels je ne m’attends pas et dont le design me séduit. Cela se joue à peu de choses, sans logique, sans ligne directrice et au gré des vents ! Après, j’ai des sujets qui m’intéressent plus que d’autres. Je suis un amateur de montres asymétriques ou des modèles hybrides des années 1965-1975. Cette période fantastique en terme de design a vu arriver des technologies électromécaniques au service de la conquête du temps. Cela a révolutionné le marché et a failli tuer l’horlogerie mécanique. Omega est aussi une marque que j’affectionne, notamment pour la diversité hallucinante des modèles proposés durant ces mêmes années. Et puis, j’aime à paraphraser sur la chaîne le concept de Simon Sinek « Quoi, Comment, Pourquoi » où le pourquoi est bien plus important que Quoi et Comment !

Ludovic : Aujourd’hui, tu suis ta passion au travers de ta chaîne YouTube, mais pas que. Peux-tu nous dire ce que tu faisais avant ?

Xavier : J’ai toujours été entrepreneur dans l’âme ! Durant mes années d’études, j’avais monté une agence de photographe de spectacles et j’ai dû faire pas loin 300 concerts en tous genres. C’était cool et me permettait de prendre un peu de sous et d’aller aux concerts gratuitement. De façon plus structurée, j’ai lancé au début des années 2000 deux projets dans la formation, le premier s’est terminé dans la douleur avec une liquidation judiciaire, et la suivante dans le digital learning a été une formidable aventure humaine avec un bel exit en la revendant au leader mondial, Skillsoft, en 2015.

L’entreprenariat est une aventure fantastique où le timing est essentiel. Il faut gérer les temps courts et les temps longs, prendre des décisions rapides tous les jours tout en gardant le cap sur le long terme ! Peut-être l’allégorie d’un chronographe pour les temps courts et d’un quantième perpétuel pour le temps long…

 

Ludovic : Pour le coup, c’est surprenant que tu te sois lancé sur YouTube. Pourquoi ce choix ?

Xavier : Oui et non ! C’est surprenant parce que je suis un enfant de la télé et pas de YouTube ! Lorsque j’ai quitté ma boîte en 2018, je voulais faire un break pour réfléchir à la suite. Et durant ce cheminement, j’ai imaginé un concept d’émission TV sur les montres, Watchout, dans le style des Wheeler Dealers ou Vintage Mecanic ! L’idée était de parler de montres en valorisant les personnes dans toutes leurs singularités, en s’éloignant des poncifs frime, fric, futilité qui font des vues mais qui sonnent creux… N’étant pas issu des médias, de l’horlogerie ou de la publicité, j’ai vite compris qu’il me fallait un support pour montrer que l’on pouvait parler de montres autrement. Et c’est comme ça qu’est né « Petites Montres Entre Amis ». Au final, j’ai autoproduit et diffusé le pilote de Watchout sur ma chaîne, mais cette série n’a pas encore vu le jour à la télé…

Ludovic : Avec plus de 500 vidéos publiées en quelques années à peine, tu es hyperactif. Comment choisis-tu tes invités ?

Xavier : J’essaye d’être très organisé pour produire les différents programmes de la chaîne. La ligne éditoriale étant très claire : « un anonyme raconte sa montre ou sa collection », cela permet de produire de façon optimale ! Il faut quand même garder en tête qu’un épisode de « Petites Montres Entre Amis » prend entre 12 et 15 heures avec 50% de ce temps pour le montage.

S’agissant des invités, je ne les choisis pas, ce sont eux qui me choisissent ! Ils ont compris en venant sur le canapé qu’on parle avant tout de leurs émotions… Ce qui m’anime, c’est d’aider l’invité à donner le meilleur de lui même pour raconter comment il aime sa montre ! Qu’elle me plaise ou non n’a aucune importance.

Depuis le lancement en 2019, j’ai fait évolué la chaîne avec des nouveautés et très bientôt je vais lancer le premier Talk Show sur les montres… Un format plus long avec 3 invités très différents, une ambiance de plateau TV mais toujours avec le même ADN bienveillant, sincère et authentique. On a enregistré le premier épisode mi-février pour une diffusion très prochaine. C’est le moment de vous abonner 😉

Ludovic : C’est tellement cohérent avec ta plateforme d’avis clients sur les montres qu’on se demande : était-ce ton plan dès le début ?

Xavier : On pourrait croire mais pas du tout ! Après la diffusion de la série Watchout en décembre 2020, j’ai pris un coup de barre monumental car j’avais accouché du projet qui était à la base de la création de chaîne. Qu’est-ce que j’allais faire ? Je me suis dit que je n’avais pas créé tout ça pour ne rien construire ! J’ai pris le temps de regarder dans le rétro ce que j’avais appris de toutes les rencontres que la chaîne m’a apportée…et la synthèse était que Dialicious était une chaîne d’avis clients propulsée par des vidéos diffusées sur YouTube. Le déclic était là, créer la première plateforme d’avis clients sur les montres, comme Tripadvisor pour les hôtels ou Vivino pour le vin, afin aider les futurs clients à trouver la montre qui leur ressemble !

Ludovic : Ton projet est très intéressant car c’est un maillon manquant dans le monde de l’horlogerie. Quelle est ton ambition à long terme pour Dialicious.com ?

Xavier : L’ambition fait partie de l’ADN de toutes les start-ups de nouvelles technologies…mais mon expérience personnelle de l’entreprenariat me permet d’y rajouter beaucoup d’humilité. Je suis un outsider du milieu et cette singularité me permet d’avancer librement sans être contraint par les conventions du secteur. Il est clair que je dois faire beaucoup d’évangélisation auprès des marques pour partager ma vision qui est assez simple finalement. Valoriser la voix des clients – qui nous font tous vivre – est une nouvelle approche à explorer pour aider les clients à identifier et choisir la montre qu’ils ne savaient pas qu’ils allaient acheter.

Mon ambition est globale et internationale étant donné les particularités d’une montre mécanique ! Sa durée de vie est infinie, elle passe de mains en mains entre des clients de toutes nationalités…et pour une même montre vendue à différents clients, on aura autant de motivations d’achat et d’avis différents. Ce sont autant de raisons d’acheter cette montre plutôt qu’une autre ! Avec des dizaines de milliers de modèles neufs sur le marché, toutes les marques ont besoin de se différencier pour les vendre. Tout le monde étant a priori convaincu que le Client est Roi… Nul doute qu’ils seront les meilleurs ambassadeurs des marques !

Ludovic : Une telle plateforme doit être bien plus complexe qu’on ne l’imagine. Quel sont les plus grands défis techniques que tu rencontres ?

Xavier : Dialicious est une start-up de technologie déployée sur un marché très peu digitalisé ! Notre enjeu étant de proposer aux collectionneurs de partager leurs émotions sur leur montre, comme ils peuvent le faire sur Instagram… Mais nous n’avons pas les moyens de Facebook ! On se concentre pour proposer la meilleure expérience utilisateur pour que l’amateur de montres partage sa passion et que celle-ci soit comprise par de futurs acheteurs. En ce sens, on essaye humblement de répondre aux limites des forums dont l’ergonomie commence à dater ou au manque de profondeur des réseaux sociaux. Il est clair qu’on voit de belles photos sur Instagram mais on ne sait rien d’autre sur la montre ! On ne sait même pas à qui elle est.. Notre grand défi est l’internationalisation avec l’ouverture prochaine du marché anglophone. Déployer une architecture solide est essentielle pour permettre à chacun, toutes langues et cultures confondues, de partager son avis avec ses mots et ses photos… Et Dieu sait qu’il est parfois difficile de dire pourquoi on aime sa montre 😉

Ludovic : Pour beaucoup de passionnés d’horlogerie, créer une marque est un peu le Saint Graal, mais on dirait que ce n’est pas ton cas. Pourquoi ?

Xavier : Beaucoup de jeunes marques se créent et dynamisent le marché et je trouve cela fantastique. Je leur souhaite bonne chance à tous pour percer sur un marché cyclique avec une concurrence très dure. Dialicious est d’ailleurs une excellente opportunité pour de jeunes marques de valoriser la parole de leurs premiers clients. Plus personnellement, et bien que la barrière à l’entrée pour lancer une marque soit de moins en moins importante, je pense qu’une montre reste un produit de luxe, au sens non essentiel du terme, et que les clés du succès dépendent de facteurs irrationnels plus importants que de bonnes « specs » ou d’un story-telling abouti ! Étant plus intéressé par le « Pourquoi ? » je ne me vois pas me lancer sans avoir une réponse approfondie à cette question.

Ludovic : Travail mis à part, as-tu d’autres passions dans la vie ?

Xavier : C’est bien mon problème ! J’ai pas mal de passions à assouvir 😉 Au delà de la maroquinerie artisanale et des autos anciennes que les abonnés de la chaîjne connaissent, mon petit jardin secret, c’est l’horticulture, la magie des plantes et des arbres… D’un point de vue émotionnel, je pourrais faire un « Petits Jardins Entre Amis ». Le monde des végétaux est absolument fantastique de diversité ! Ils sont le reflet du temps qui passe et des saisons. La conquête du temps est aussi passée par la connaissance du monde végétal et de ses cycles de reproduction pour aider les hommes à connaître le monde qui les entoure. À chaque fois que j’en ai l’occasion, je vais visiter des jardins magnifiques comme à Marqueyssac en Dordogne ou à Giverny en région parisienne.

Pour le coup, l’horticulture est moins corrélée à l’histoire horlogère que la machine d’Anticythère, l’invention du spiral par Christian Huygens ou le Tourbillon de Breguet…mais c’est sûrement ce qui explique cette passion très connectée avec l’horlogerie. Pourquoi pas un jour mêler ces deux passions, horlogerie et horticulture ?

Ludovic : Un petit mot pour la fin ?

Xavier : Merci Ludovic pour cette interview. Et rendez-vous à tous les amateurs de montres sur Dialicious pour découvrir les plus belles collections et pourquoi pas présenter la leur…

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