Aujourd’hui, nous vous racontons l’histoire singulière d’une équipe qui a utilisé, pour des besoins techniques, un certain nombre de montres devenues iconiques. Cette équipe, c’est celle de Jacques-Yves Cousteau et du légendaire navire La Calypso. Cela nous prendra quelques épisodes, mais nous essaierons d’être exhaustifs. L’histoire de cette équipe est déjà fantastique en elle-même, mais les montres qui ont été portées et développées ont atteint le rang de pièces mythiques. Des incontournables que tout amateur de plongeuses se doit de connaître !

La Spirotechnique, l’Aqua Lung & La Calypso

Test de plongée de Jean-Yves Cousteau dans la Marne en 1942

Tout a débuté en 1945 quand messieurs Cousteau et Gagnan brevettent leur scaphandre autonome sous la référence en CG45 pour « Cousteau-Gagnan 1945 ». L’année suivante, la création de la société La Spirotechnique commercialise ce CG45, sous le nom anglophone Aqua Lung pour en faciliter l’exportation. C’est le point central du développement de l’instrumentation nécessaire à l’exploration sous-marine ainsi que des matériels de La Spirotechnique de manière générale. Le 24 novembre 1951 débute l’extraordinaire histoire de La Calypso et de son équipe. Un navire dragueur de mines américain construit à Seattle pour la Seconde Guerre mondiale, puis reconverti en ferry pour ensuite être loué pour un franc symbolique à Jacques-Yves Cousteau qui le transformera en navire d’expédition. Son nom même fait écho à la nymphe de la mer dans la mythologie grecque.

Les premières montres des « Mousquemers »

La Calypso dans « Le Monde du Silence » en 1956

Toutes ces innovations vont être à l’origine du développement de la plongée de loisir comme militaire, avec par exemple, la création des nageurs de combats par Robert Maloubier. Entrons dans le vif du sujet car les « Mousquemers » (Jean-Yves Cousteau, Émile Gagnan et Philippe Taillez) comme on les surnommait, ont réussi à plonger de façon autonome grâce au développement des détendeurs de plongée Cousteau-Gagnan. Mais à cette époque, les montres n’étaient pas aussi précises et surtout pas suffisamment étanches pour pouvoir accéder au fond des océans en toute sécurité. Pour leurs missions, très rapidement, Cousteau et André Laban, ingénieur chimiste, adoptent les premières véritables montres de plongée avec la Rolex Turn-O-Graph, référence 6202, et la Submariner, référence 6204, pour Cousteau puis une Blancpain Fifty Fathoms pour André Laban  (qui avait également une Tudor Submariner, référence 7922).

Frederick Dumas, André Laban & Jacques-Yves Cousteau

Contrairement à la COMEX avec à sa tête Henri Delauze, Jacques-Yves Cousteau n’a pas cédé aux sirènes de Rolex, ce qui a permis d’obtenir une diversité de montres tout au long des missions de La Calypso, allant de la simple LIP Nautic-Ski à l’Omega Seamaster 1000. Voici les plus légendaires d’entre elles, celles qui seront associées éternellement à cette aventure exceptionnelle :

L’Omega Ploprof

L’Omega Seamaster 600 Ploprof Mark I, référence 166.077

Son dessin a été réalisé par celui qui a aussi dessiné l’Aquastar Benthos 500, Frédéric Robert, en 1969. Cette montre signée Omega était destinée aux plongeurs professionnels, d’où son nom  « Plo Prof ». Elle fut testée par la COMEX, une société experte en ingénierie du monde sous-marin, puis par l’équipe de La Calypso qui l’a soumise a rude épreuve lors des plongées successives, notamment aux poignets d’Albert Falco et de Jacques-Yves Cousteau. Chaque plongée était répertoriée dans un carnet, toutes les « réactions » de la montre étaient ainsi consignées et décrites afin d’aider la marque améliorer son modèle. Il y a eu plusieurs tests de couronne, notamment en plastique rouge, mais très vite abandonnée car peu efficace. Le point essentiel était le blocage de la lunette par un poussoir situé en haut du boîtier, de sorte qu’il soit impossible de la tourner sans appuyer sur ce bouton. Cela sécurisait grandement les plongeurs qui se fiaient à la lunette au péril de leur vie.

L’Omega Ploprof au poignet d’Albert Falco, un des plongeurs de La Calypso

Elle a également souffert de problèmes d’étanchéité liés aux entrées d’eau par la couronne qui n’était pas toujours simple à serrer. Elle a aussi subi une usure prématurée des cadrans, ces derniers étaient « bullés » sur le laiton car la peinture appliquée n’était pas adaptée. Il est aujourd’hui assez commun de rencontrer des pièces dont le cadran d’origine bleu, est devenu très sombre et sur lequel des craquelures sont visibles. L’Omega Ploprof a suivi de nombreux plongeurs professionnels tout au long de leurs carrières, que ce soit sur La Calypso, au sein de la Sogertram ou de la Normed. Cette montre, d’un design « professionnel » est devenue une icône de l’histoire horlogère. Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, elle n’en reste pas moins le témoignage d’une époque marquée par l’audace des maisons horlogères. On retrouvera cette montre de 1970 à 1978 au poignet des plongeurs de La Calypso.

La Doxa Sub

La Doxa SUB 300T Sharkhunter Aqua Lung, référence 11899-4

Une autre icône de cette aventure. Créée en 1967 avec un diamètre de 45mm et une étanchéité à 300 mètres, cette montre est devenue le modèle indispensable à tout plongeur professionnel. La première version était la SUB 300 dite « no T » disposant d’un boîtier « tonneau » ou « tortue » assez fin, puis ensuite celle qui sera utilisée par l’équipe de La Calypso, la Doxa SUB 300 T avec un boîtier plus épais, une lisibilité exceptionnelle, une facilité d’utilisation sans comparaison qui font de cette montre un véritable outil. D’autant plus que celle-ci fait apparaître sur sa lunette rotative, en plus des durées de plongée, une table permettant de visualiser les temps de décompression.

Albert Falco & Philippe Cousteau avec une Doxa SUB 300 au poignet

À cette époque 4 couleurs existaient dans la collection : la noire dite « Sharkhunter », l’orange dite « Professionnal », la jaune dite « Divingstar » et la grise dite « Searambler ». Les deux premières versions ont été utilisées par l’équipe de Cousteau; en ce qui concerne la version jaune, on la retrouve au sein de la Marine Nationale puisque le modèle Doxa SUB 300 apparaît dans le livre « instruction sur la plongée à l’air » datant de 1976. Le cadran ne laisse aucun doute quant à la « complicité » entre l’équipe du commandant Cousteau et Doxa, puisque très rapidement le cadran va être orné du logo « Aqua Lung » qui n’est autre que le nom de La Spirotechnique pour les États-Unis. Cette montre va notamment accompagner Albert Falco qui la cédera à un des ses amis. N’oublions pas la fameuse version orange qui se retrouvera au poignet de Philippe Cousteau. Une montre qui mérite largement son statut de montre professionnelle !

L’Aquastar Deepstar

L’Aquastar Deepstar Mk1 V92 dite « Maxi Dial »

S’il ne devait qu’en rester qu’une, ce serait celle-ci. Ce chronographe de plongée est une pièce exceptionnelle, tant par son histoire que par son charme. C’est encore l’horloger visionnaire Frédéric Robert, fondateur de la marque, qui est à l’origine de cette montre à la fin des années 1960. C’est aussi le tout premier chronographe fonctionnel jusqu’à 100 mètres (10 bars), un exploit pour l’époque. Cette montre est équipée d’une lunette pouvant indiquer pas moins de cinq calculs : durée de plongée, temps de décompression, désaturation en azote, cadence de remontée et enfin majoration de durée du palier lorsque le plongeur réalise des immersions successives. Ce chronographe a été équipé du calibre Valjoux 23 et plus tard du Valjoux 92.

L’un des membres de La Calypso & Philippe Cousteau avec une Aquastar Deepstar au poignet

Son cadran donne de suite le ton et l’objectif : chronométrer les temps de plongée avec un totalisateur des minutes surdimensionné pour offrir une lecture rapide. Et sa seconde déportée, en forme de losange sur certains modèles, lui donne sa propre identité. Ce modèle à été commercialisé sous les marques Lorenz, Jean Richard et Aquastar et n’était disponible que dans les magasins de plongée professionnelle. Elle était aussi inscrite dans le catalogue des ventes de La Spirotechnique, au même titre que le matériel de plongée. Ce magnifique chronographe fut utilisé dans les expériences Précontinent I, II et III par les plongeurs de La Calypso, notamment Raymond Coll. Petit bémol cependant, l’utilisation très intensive de ces modèles a fait apparaître leur défauts : des problèmes d’étanchéité ainsi que des cadrans qui s’abîmaient très rapidement, rendant la lisibilité assez compliquée. C’est un chronographe exceptionnel de par ses spécificités techniques et son design aussi atypique qu’intemporel.

Ces trois modèles signés Omega, Doxa et Aquastar ont marqué cette aventure, mais il en reste encore beaucoup à explorer dans l’épopée des plongeurs de La Calypso et du commandant Cousteau. On vous donne donc rendez-vous très bientôt pour la suite !