Nous sommes au milieu des années 60. Une jeune femme, aux allures de mannequin, chronomètre les tours de son mari de pilote, sur le bord de la piste de course. À son poignet, un chronographe panda, fixé sur un imposant bracelet en cuir bund. Cette femme, c’est Nina Rindt. Et ce chronographe, c’est un Universal Genève Compax. Alors pour aller plus loin et comprendre comment ce chronographe est devenu un Graal pour certains collectionneurs, plongeons dans l’histoire de l’Universal Genève Nina Rindt.

Nina Rindt, icône des années 60

Nina Rindt en 1965

Nina Lincoln naît en 1943 en Finlande. Elle grandit entre la Suisse et la Finlande, puis devient mannequin au début des années 60. Elle partage alors son temps entre New-York, Paris et Londres, où elle devient une icône mode du « Swinging London » des sixties, aux côtés notamment de Twiggy. En 1967, elle épouse Jochen Rindt, l’une des plus grandes stars de Formule 1 de l’époque, et s’appelle désormais Nina Rindt. Mais ce goût pour les sports automobiles ne tient pas du hasard : le père de Nina, Curt Lincoln, est lui-même un pilote de course émérite, qui a remporté de nombreuses courses en Scandinavie, et qui jouit d’une grande popularité là-bas. Ainsi, Nina accompagne son mari sur le championnat de Formule 1, de course en course. Mais elle ne reste pas les bras croisés ! Elle chronomètre méthodiquement chaque tour de Jochen. Et pour cela, elle utilise sa propre montre : un chronographe Universal Genève Compax à cadran panda, monté sur un large bracelet cuir monté façon bund. Une montre masculine sur un bracelet féminin, voilà de quoi étonner pour l’époque. Mais Nina porte ce chronographe avec tout le charme et l’élégance qui la caractérisent. En un mot comme en cent, ce chronographe lui va comme un gant. À tel point que pour tous les amateurs d’horlogerie, ce chronographe sera désormais connu sous le nom d’Universal Genève « Nina Rindt ». Malheureusement, un tragique évènement vient mettre un terme à cette belle histoire : Jochen meurt en 1970 lors d’un accident pendant une séance d’essais du Grand Prix de Monza. Nina Rindt déserte les pistes de courses, mais la légende de son chronographe, elle, continue.

Le chronographe Universal Genève Compax, dit “Nina Rindt”

L’Universal Genève Compax, référence 885.103/02

Le chronographe « Nina Rindt » porte la référence 885.103/02. Il est produit sur une très courte période, entre 1964 et 1967. Il s’agit d’un chronographe à aiguille centrale, et à trois sous-compteurs : un totalisateur 60 minutes à 3h, un totalisateur 12 heures à 6h, et une trotteuse à 9h. Une configuration dite « compax », avec ses 3 sous-compteurs en V, et non « tri-compax », car en toute rigueur, cette dernière désigne les chronographes à 3 complications (chronographe, date et phases de lune), et qui ont donc 4 sous-compteurs. Ce qui saute immédiatement aux yeux, c’est évidemment le choix des couleurs : le cadran « panda » permet un contraste maximal entre les 3 sous-compteurs et le reste du cadran. Cerclé par une lunette tachymétrique noire, l’ensemble est tout simplement sublime. Mais la Nina Rindt n’est pas un énième chrono panda. Loin de là. Le jeu d’aiguilles est aussi tout à fait unique, avec ses larges aiguilles centrales trapézoïdales noires, et ses aiguilles de sous-compteurs blanches façon allumettes. Le boîtier mérite également une attention toute particulière. Avec ses 36mm de diamètre, il fait partie des « petits » chronos. Entièrement en acier, il est prolongé par des anses « lyres », qui ajoutent une touche de raffinement. Enfin, si l’on prend un peu de recul, le premier mot qui vient à l’esprit, c’est « charme« . Tout dans cette montre respire les sixties, avec cet équilibre si subtil entre la sportivité et l’élégance, une sorte de « Gentleman driver’s touch ».

Une mécanique hors pair

Le calibre 85 d’Universal Genève

La « Nina Rindt » est animée par le calibre 85 à remontage manuel, dérivé d’un mouvement devenu mythique : le Valjoux 72. Un calibre chronographe de 13 lignes, à roue à colonnes, né en 1938, qui oscille à 18’000 alternances par heure, et dont la réputation n’est plus à faire. Il équipe d’ailleurs de très nombreux chronographes, des années 40 à aujourd’hui, parmi lesquels on retrouve (entre autres) Rolex, Longines, Heuer, Jaeger-LeCoultre, Yema, Breitling, Zodiac, Nivada, Ulysse Nardin, Eterna, Mathey-Tisssot… Une reconnaissance qui vaut tout les discours.

L’Evil Nina, le double maléfique

L’Universal Genève Compax, référence 885.103/01

Comment parler de la Nina Rindt sans évoquer son « double maléfique » ? Il s’agit en fait de la version panda inversé, c’est-à-dire avec un cadran noir et 3 sous-compteurs blancs. Une déclinaison rare qui porte la référence 885.103/01. Pour le reste, tout est à l’identique. Le résultat perd en élégance et gagne en sportivité et en caractère, notamment avec son imposante aiguille centrale rouge vif. Ce qui lui donne un air presque diabolique, et qui lui vaudra le sobriquet de « Evil Nina« , la Nina Maléfique.

Nina Rindt ou Daytona ?

La Rolex Daytona, référence 6241

Dans les années 60, un autre chronographe panda se taille une place de choix sur les poignets des amateurs de sport automobile : la Rolex Daytona, réf. 6241. Et c’est vrai qu’à première vue, la comparaison paraît évidente. Les deux montres ont des cadrans panda cerclés d’une échelle tachymétrique noire, des poussoirs à pompe, des dimensions comparables… Elles partagent également le même mouvement de base, le Valjoux 72. Et pourtant, ce sont deux chronos bien différents, qui ne cohabitèrent que pendant deux petites années (1966-1967). La Nina Rindt semble à la fois plus raffinée, avec ses anses lyre, et plus excentrique, avec ses aiguilles surdimensionnées. Un étrange mélange qui fait pourtant tout son charme, en face d’une Daytona plus sobre, et qui laisse de côté ce genre de « fioritures ». Aujourd’hui, difficile de rivaliser avec la notoriété et l’aura de la Daytona 6241, surtout dans ses déclinaisons « Paul Newman« . Mais au final, ces deux montres ne dégagent pas la même impression. Ni le même charme. Car même si cela reste une question de goût, par rapport à la Daytona, l’Universal Genève perd peut-être en notoriété ce qu’elle gagne en charme

Le Graal des amateurs de chronos vintage

Une Universal Genève Compax dites « Nina Rindt »

Sur le marché des chronos vintage, la Nina Rindt est une perle rare très recherchée. Voire même un véritable Graal, pour certains. Mais avec seulement 4 années de production, autant dire que ces montres ne courent pas les rues. Et environ 60 ans plus tard, les quelques rescapées s’arrachent à prix d’or. Les amateurs de chronographes vintage ne s’y trompent pas, et la côte flambe, pour tutoyer la barre des 30,000€ pour les meilleurs exemplaires.

Une réédition à l’avenir ?

Nina Rindt portant son Universal Genève Compax lors de courses de Formule 1

La Nina Rindt est une montre au charme fou. Une de celles qui vous laisse rêveur, qui vous transporte au bord d’un circuit de course, dans le bruit assourdissant des moteurs et l’odeur entêtante d’huile et de carburant. Une montre qui raconte une histoire. Alors, avec la récente renaissance d’Universal Genève sous la houlette de Breitling, on se met à rêver d’une réédition fidèle de la Nina Rindt des années 60. Avec des dimensions remises au goût du jour…ou peut-être pas. En panda bien sûr, mais aussi avec son double maléfique. Et même si aucun indice n’a filtré, et qu’aucune rumeur ne laisse penser qu’un tel projet existe bel et bien, rien n’interdit de rêver. Et c’est bien là l’essentiel.