S’il est bien une complication horlogère qui fait rêver tous les amateurs de belles mécaniques, c’est bien le tourbillon. Ou plutôt devrait-on dire, les tourbillons. Car il existe plusieurs sortes de tourbillon, selon leur architecture ou leur degré de complexité. Après le gyrotourbillon, penchons-nous cette fois sur une autre évolution : le tourbillon volant.

Une question d’esthétique

Un tourbillon, c’est beau. Très beau. Alors autant qu’il se voit, et le mieux possible, pour que le spectacle soit total. Mais d’un point de vue technique, il y a un hic. En effet, l’ensemble échappement-balancier tourne sur lui-même, autour d’un axe dont les extrémités sont fixées chacune sur un pont. Il y a donc un pont en-dessous du tourbillon, et un pont au-dessus du tourbillon. Et c’est cette pièce métallique qui pose problème, car elle obstrue le tourbillon lui-même (comme sur la photo ci-dessous). En un mot, ce pont gâche la vue. Il faut donc trouver une solution pour s’en débarrasser.

Alfred Helwig, l’inventeur du Tourbillon Volant

Si le tourbillon est inventé par Abraham-Louis Breguet au tout début du XIXème siècle, il faut attendre 1920 pour que ce problème « esthétique » soit enfin résolu. Alfred Helwig (1886-1974), horloger allemand de talent, est alors enseignant à l’école d’horlogerie de Glashütte, le berceau de l’horlogerie traditionnelle allemande. Et pour se débarrasser du pont sur lequel est fixé le roulement supérieur de la cage du tourbillon et qui empêche de voir le mécanisme, il décide de déplacer le roulement vers le dessous de la cage, pour libérer la vue. Cette nouvelle architecture est baptisée « tourbillon volant« , car ainsi, la cage tournante semble véritablement flotter en suspension dans le vide.

D’un point de vue technique, le défi est de taille : l’entraînement du tourbillon est assuré par la roue de petite moyenne et le pignon des secondes, lui-même fixé dans la partie inférieure du tourbillon. De plus, l’entraînement de la roue d’échappement dépasse du tourbillon et s’engage dans la roue des secondes qui est reliée au pont. Enfin, avec la rotation du tourbillon, l’entraînement de la roue d’échappement se transmet à la roue des secondes, ce qui déclenche les oscillations du balancier par l’intermédiaire de l’ancre. Une telle prouesse vaudra à Alfred Helwig la reconnaissance de ses pairs, et il sera nommé professeur principal en 1923, puis professeur commercial en 1933. Aujourd’hui, l’école d’horlogerie de Glashütte, dans laquelle il enseigna pendant plus de 40 ans, porte même son nom.

L’hommage de Glashütte Original à Alfred Helwig

Le talent d’Alfred Helwig était immense, et qui de mieux que Glashütte Original pour lui rendre hommage ? Originaire de Glashütte comme son nom l’indique, cette prestigieuse maison horlogère lui dédie en 2020 une série limitée à 50 exemplaires baptisée « Alfred Helwig Tourbillon 1920« . Une montre équipée du calibre 54-01, un mouvement à remontage manuel possédant un tourbillon volant, bien entendu. Même si ici, cette fabuleuse complication est « cachée » : elle n’est pas visible sur le cadran, mais plutôt à l’arrière de la montre, à travers le fond transparent. Une belle ironie, pour une complication motivée par des critères esthétiques. Mais c’est sans doute aussi ça, le comble du chic.

Une complication rare

Le tourbillon est une complication suffisamment rare en elle-même. Alors autant dire que le tourbillon volant, qui demande encore plus d’expertise, n’est pas monnaie courante. Peu de maisons horlogères possèdent un tel savoir-faire. Parmi elles, on peut citer IWC avec sa Portugieser Mystère, TAG Heuer avec sa Carrera Heuer-02T, Cartier avec sa Drive Tourbillon Volant ou encore MB&F qui en a pléthore. Mais la palme revient certainement à Roger Dubuis. Cet incroyable horloger indépendant a développé un double tourbillon volant squeletté, portant la référence RD01SQ. Une prouesse hors-normes, qui repousse encore les limites des techniques horlogères. Composé de 301 pièces, ce calibre, en plus d’être esthétiquement ahurissant, assure une précision accrue grâce à son système de différentiel servant à faire la moyenne de la marche des deux tourbillons. Ainsi, en se basant sur le travail d’Alfred Helwig, Roger Dubuis écrit un nouveau chapitre dans le grand livre des montres à tourbillon.