Invariablement, les montres mythiques se distinguent par un design unique, et reconnaissable au premier coup d’œil. Et à ce petit jeu-là, un modèle se démarque sans doute plus que les autres : la Panerai Luminor. Une montre au dessin devenu iconique, mais qui possède également une histoire très intéressante. Marine nationale italienne, substance luminescente, et carrière hollywoodienne…penchons-nous sur l’histoire de la Panerai Luminor.

La Radiomir, la grande sœur

Pour mieux appréhender l’histoire de la Luminor, il faut revenir un peu plus en arrière. Aux origines mêmes de la marque. L’Officine Panerai voit le jour en Italie en 1860, quand Giovanni Panerai ouvre sa première boutique à Florence, en Toscane. Et dès le début du XXème siècle, Panerai devient le partenaire de la Regia Marina, la marine royale italienne. Le début d’une collaboration qui durera  plusieurs décennies et qui sera le principal moteur de la marque jusque dans les années 1990. En 1916, Panerai dépose un brevet pour une matière luminescente à base de Radium, baptisée Radiomir. Mais il faudra attendre 1936 pour que les premiers prototypes sortent des ateliers, et encore deux ans de plus pour que les montres Radiomir équipent définitivement la marine italienne. Pour la fabrication de la Radiomir, Panerai s’associe alors à Rolex, qui fournit non seulement le boîtier, mais également le mouvement à remontage manuel, le calibre 618 fabriqué par Cortebert exclusivement pour Rolex.

Et à partir de 1940, le mouvement Rolex cède sa place au calibre Angelus 240 : un mouvement à remontage manuel qui dispose d’une réserve de marche de 8 jours ! Une amélioration déterminante par rapport aux 41 heures de réserve de marche du calibre 618 de Rolex, mais également une prouesse technique que l’on retrouvera plus tard sur les Panerai « 8 Giorni ». Côté design, la Radiomir pose les bases de ce que seront les montres Panerai pour les décennies à venir : un boîtier coussin aux dimensions titanesques (47mm en 1938), accroché à un bracelet résistant à l’eau par des anses fines, accompagné d’un cadran minimaliste ponctué de chiffres arabes 3-6-9-12 surdimensionnés (à partir de la référence 6152-1 de 1940). Sans oublier l’élément qui a donné son nom à la montre : le Radiomir, une matière luminescente permettant aux plongeurs de lire leur montre même dans l’obscurité. Cette matière est appliquée sur un disque situé sous le cadran, lui-même ajouré des index et des chiffres arabes : c’est la fameuse construction en sandwich, que l’on retrouvera par la suite sur les Panerai modernes.

1949, du Radium au Tritium

Le Radiomir est fabriquée à base de radium, un élément radioactif qui n’est pas anodin pour l’homme. Certains plongeurs se plaignent même de nausées, dues à la montre. Ainsi, en 1949, Panerai conçoit et brevète le Luminor : un nouveau matériau luminescent, basé cette fois-ci sur le tritium, 20 fois moins dangereux pour l’homme que le radium en ce qui concerne les radiations. De plus, le tritium ne pénètre pas la peau, ce qui est un avantage non négligeable pour les personnes travaillant dans les ateliers horlogers. Tout comme le radium, le tritium n’a pas besoin de source de lumière pour se charger en UV, et brille tout le temps. Seule ombre au tableau, la durée de vie du tritium n’est que d’une douzaine d’années, ce qui veut dire que les matériaux recouverts de tritium perdront leur capacité luminescente au fur et à mesure des années (alors que le radium a une durée de vie de 1600 ans). Pour l’anecdote, Rolex attendra le début des années 1960 pour passer du radium au tritium, pour ses index et aiguilles luminescentes.

1950, les débuts de la Luminor

La Luminor sort véritablement en 1950, même si la transition avec la Radiomir se fera progressivement. La Luminor tire son nom de la matière luminescente dont elle est équipée, tout comme la Radiomir quatorze ans avant elle. Elle reprend également le design de la Radiomir, au niveau du boîtier et du cadran. Mais elle se distingue par trois éléments caractéristiques. Tout d’abord, un gigantesque protège-couronne en forme de pont, qui permet à la couronne d’être protégée des coups, et d’être bien enfoncée avant chaque immersion. Cette pièce si particulière, brevetée en Italie en 1955 par Guiseppe Panerai et sa sœur Maria eux-même, permet en outre de garantir une étanchéité de 200 mètres, une vraie performance pour l’époque. La Luminor inaugure également des anses plus épaisses que les anses fils, et forgées dans le même bloc d’acier que le boîtier. Enfin, la lunette est plus plate et plus large que sur la Radiomir.

Une plongeuse à part

Si la Luminor est une montre unique de part son design, elle l’est tout autant par sa fonction. En effet, on peut se demander s’il s’agit vraiment d’une montre de plongée. La raison ? L’absence de lunette rotative ! Ici, aucune graduation ne permet de suivre son temps de plongée. Bien loin des Submariner ou autres Fifty-Fathoms sorties elles aussi dans les années 1950, la Luminor se contente d’une lisibilité hors-pair, et laisse le soin à l’éventuel plongeur de calculer lui-même son temps de plongée. Une spécificité surprenante, quand on connaît l’importance de bien connaître son temps d’immersion. Pour retrouver une lunette rotative, il faut alors se tourner vers les Luminor Submersible, sorties à partir des années 1990 et inspirées du modèle Egiziano de 1956 (en photo ci-dessus), développé pour la marine égyptienne et ayant également donné naissance au célèbre pont protège-couronne.

1993, Panerai sort de l’ombre

Jusqu’en 1993, la production de Panerai est réservée aux militaires italiens, avec en prime quelques lots expédiés à l’armée égyptienne. Si bien que les montres Panerai d’avant 1993 sont entourées d’une véritable aura de mystère, mélange de secret militaire et d’archives incomplètes. Mais tout ça change en 1993. En septembre cette année-là, l’Officine Panerai présente trois séries de montres en édition limitée : la Luminor, la Luminor Marina et la Mare Nostrum. Trois modèles directement inspirés de leurs homologues militaires des cinquante dernières années.

La Luminor 5218-201/A de 1993 : la pionnière de l’ère moderne

La nouvelle Luminor porte la référence 5218-201/A. Mais elle gagne vite le surnom de « logo« , en raison du logo de la marque « OP » situé à 6h. Elle reprend le design identitaire des précédentes Luminor, avec les larges index bâtons, les chiffres arabes 3, 6, 9 et 12 surdimensionnés, le tout recouvert de Luminor, bien entendu. On retrouve également le fameux pont protège-couronne, qui contribue à une étanchéité très confortable de 300 mètres. Seule la construction en sandwich est absente des premiers modèles. À l’intérieur du boîtier acier de 44mm de diamètre, bat le calibre Unitas 6497, à remontage manuel, oscillant à seulement 18’000 alternances par heure (2.5Hz), et délivrant 46 heures de réserve de marche. La Luminor 5218-201/A est produite à seulement 899 exemplaires.

1996, Sylvester Stallone, le déclencheur

Si les Panerai connaissent un accueil favorable dès 1993, un évènement va accélérer la croissance de la marque et lui assurer une visibilité extraordinaire. En 1995, l’acteur américain Sylvester Stallone, de passage en Italie, remarque une Panerai dans la vitrine d’une bijouterie. Et c’est le coup de foudre. À tel point que « Sly » parvient à convaincre Panerai de réaliser plusieurs séries limitées de montres Luminor Submersible signées « Sly Tech ». L’une d’elle se retrouve même au poignet de l’acteur pour le film Daylight (1996). Mais la carrière cinématographique de la Luminor ne s’arrête pas là. Car Stallone avait offert des Luminor à plusieurs de ses amis, dont Arnold Schwarzenegger. Celui-ci, conquis par la marque, porte même sa propre Luminor pour le film L’Effaceur (1996).

1997, le rachat par le groupe Richemont

Ces apparitions sur les grands écrans et les photos des acteurs portant les montres Panerai contribuent énormément à la popularité de la marque, qui connaît alors un engouement sans précédent. À tel point que le groupe suisse d’origine sud-africaine Richemont va s’intéresser de très près à Panerai. Le groupe, qui s’appelle encore Vendôme à l’époque, acquiert la marque en 1997. Ainsi, les modèles produits entre 1993 et 1997 sont appelés « pré-Vendôme« , tandis qu’après 1997, ils sont désignés par l’acronyme « PAM » (PAnerai Models). Les premières Luminor « PAM »  possèdent des boîtiers de 44mm de diamètre et sont équipées de mouvements à remontage manuel basés sur l’ETA 6497.

La Paneraimania des années 2000

Les années 2000 sont marquées par un extraordinaire engouement pour Panerai. Une vraie « Paneraimania« , soutenue par les fans de la marque, les « Paneristi« . La marque italienne en profite pour étendre la collection Luminor. En 2002, Panerai dévoile une nouvelle déclinaison de la Luminor, baptisée Luminor 1950. Un modèle qui s’inspire, comme son nom l’indique, de la première Luminor de 1950. Les premiers modèles portent la référence PAM127. Leur boîtier mesure 47mm de diamètre, comme celui de 1950, leur cadran reprend la construction en sandwich, et ils embarquent le calibre OP XI, certifié chronomètre par le COSC, toujours basé sur l’ETA 6497. En 2005, Panerai signe son premier mouvement maison, le calibre P2002, nommé ainsi pour commémorer la date d’inauguration de l’usine Panerai de Neuchâtel. Ce mouvement à remontage automatique offre une réserve de marche de 8 jours, en hommage au mouvement Angelus 240 des années 40.

Les Luminor actuelles

Aujourd’hui, la Luminor reste l’un des piliers du catalogue Panerai, aux côtés de la Radiomir bien évidemment. La collection s’est étoffée, avec des variantes à petite seconde comme les Marina, des complications comme le GMT, ou même le chronographe. Et en 2016, Panerai dévoile une seconde génération de Luminor, baptisée « Due » (deux, en italien), qui inaugure un boîtier plus fin et légèrement plus petit. Mais quel que soit le modèle choisi, le design identitaire, si cher à la marque, reste le même. Un boitier coussin aux dimensions (très) généreuses, de larges aiguilles bâtons, des chiffres arabes surdimensionnés complétés par d’imposants index bâtons…sans oublier l’énorme pont protège-couronne, devenu la signature stylistique de la Luminor. Le tout, saupoudré d’une bonne couche de matière luminescente, même si le Luminor (interdit en France à partir de 2002) a laissé sa place au Super-LumiNova. Un design à nul autre pareil, qui donne à la Luminor un caractère bien trempé, et qui lui permet définitivement de prétendre au rang de montre iconique.

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