Rolex Daytona, Omega Speedmaster, TAG Heuer Monaco ou encore Zenith El Primero…les chronographes iconiques ne manquent pas. Symboles de sportivité, de performance et d’exploits, mais aussi de complexité horlogère parfois exceptionnelle, les chronographes connaissent un succès qui ne se dément pas, année après année. Mais d’où vient cette complication si populaire ? Quelle est son origine, son créateur ? Ou plutôt la controverse qui entoure sa naissance ? Voici donc la « vraie » histoire du chronographe.

Une paternité multiple

La paternité du chronographe fait débat. Et pour cause : il n’y a pas un seul inventeur clairement identifié, mais plutôt une succession d’inventions qui vont mener au chronographe moderne tel que nous le connaissons aujourd’hui. Les premières traces de chronographe remontent à 1776. Cette année-là, à Genève, l’horloger suisse Jean-Moïse Pouzait invente une montre qui marque la seconde, et qui peut s’arrêter et repartir. Et même si la remise à zéro n’existe pas encore, il s’agit véritablement des premières bases du mouvement chronographe.

40 ans plus tard, en 1816, l’horloger français Louis Moinet crée une montre « compteur de tierces« . Celle-ci est équipée des fonctions départ, arrêt et remise à zéro, et permet l’affichage d’un temps au 1/60ème de seconde, grâce à un mouvement oscillant à 216’000 alternances par heure, soit 30Hz ! Une prouesse exceptionnelle pour l’époque – et encore aujourd’hui. Il s’agit véritablement du premier chronographe, même s’il manque l’affichage de l’heure locale (heures et minutes).

En 1821, l’horloger français Nicolas-Mathieu Rieussec présente un appareil baptisé « chronographe-encreur« . Il est capable de mesurer une durée de temps et de l’indiquer grâce à un cadran tournant sur lui-même, surmonté d’une aiguille fixe munie d’un réservoir d’encre. Lors de l’arrêt du chrono, une trace d’encre est déposée sur le cadran, ce qui permet de lire la durée écoulée. D’où le nom « chronographe » : « chrono » signifiant « temps » en grec, et le suffixe « graphe« , désignant l’écriture, en grec.

Par la suite, le système de chronographe continue de se perfectionner avec notamment l’invention du « cœur » de chronographe par Joseph-Thaddeus Winnerl en 1836 : une came particulière du mouvement qui doit son nom à sa forme de cœur, et qui permet une remise à zéro plus facile de l’aiguille des secondes.

Enfin, en 1861, Henri-Ferréol Piguet présente au nom de la maison londonienne Nicole & Capt le premier chronographe « moderne », c’est à dire la première montre de poche indiquant l’heure locale mais également le temps écoulé, grâce à une aiguille supplémentaire commandée par un poussoir unique, avec les fonctions départ, arrêt et remise à zéro. Le mécanisme chronographe est alors ajouté à un mécanisme de montre, à la manière des mouvements modulaires que l’on connaît aujourd’hui.

Un développement rapide en Europe et aux Etats-Unis

À partir des travaux de Henri-Ferréol Piguet, la fabrication des chronographes va rapidement se développer, principalement en Suisse. Les premiers à s’y atteler sont les horlogers de Genève et de la Vallée de Joux. Il s’agit de pièces très haut de gamme, souvent en or. On retrouve alors des noms comme Vacheron Constantin, Patek Philippe, ou encore Audemars Piguet, alors à ses débuts. Mais les horlogers de Neuchâtel et de Berne ne vont pas rester les bras croisés, et développent également des chronographes. Longines, Breitling, ou encore Heuer vont être parmi les premiers à se mettre en avant. Mais leur approche est plus industrielle, grâce à des méthodes de production en série. Les chronographes vont alors se démocratiser, notamment dans les domaines industriels et sportifs. Ailleurs dans le monde, on retrouve également des chronographes en Grande-Bretagne, en Allemagne et aux États-Unis, où ils connaissent un intérêt particulièrement fort.

1913, Longines dévoile le premier chronographe pour une montre-bracelet

Jusqu’au début du XXème siècle, la montre de poche est la norme. Mais les montres-bracelets connaissent un vrai succès, notamment à partir de 1910. Et ce passage d’un format à l’autre n’est pas sans conséquence pour les horlogers, car ils doivent adapter leurs mouvements à des boîtiers plus petits. Ainsi, il faudra attendre 1913 pour voir apparaître le premier chronographe sur une montre-bracelet. Et c’est Longines qui en est à l’origine, avec un modèle à mono-poussoir équipé du calibre 13.33Z à remontage manuel. Deux ans plus tard, en 1915, Breitling dévoile le premier chronographe pour une montre-poignet avec un poussoir indépendant, suivi, en 1932, par un modèle avec un deuxième poussoir, aboutissant (enfin) à la configuration que l’on connait aujourd’hui.

1969 et le passage au chronographe automatique : Zenith, Breitling-Heuer ou Seiko ?

Jusque-là, tous les chronographes étaient à remontage manuel. Mais cela change en 1969, avec l’apparition du premier chronographe automatique. Mais en ce concerne la paternité de cette innovation, c’est un peu plus flou. Trois maisons horlogères se disputent ce titre honorifique. D’un côté, il y a Zenith, avec le bien nommé mouvement El Primero (le premier). De l’autre côté, il y a l’association des marques Breitling, Heuer et Büren, avec le calibre 11. La principale différence entre ces deux mouvements vient de leur conception. El Primero est un mouvement chronographe dit « intégré », c’est à dire qu’il est conçu dès le départ comme un mouvement chronographe dans son ensemble, avec les fonctions chrono intégrées aux fonctions horaires. Le calibre 11, quant à lui, est un mouvement chronographe modulaire, c’est à dire que la fonction chrono est assurée par un module superposé à un mouvement de base, qui assure quant à lui les fonctions horaires. Enfin, il faut parler de la troisième maison horlogère qui revendique la paternité du chronographe automatique : Seiko. La firme japonaise dévoile en 1969 le calibre 6139, nommé Speed Timer. Aujourd’hui, entre les archives incomplètes de l’époque et les arguments marketings de chaque marque, difficile d’établir une chronologie exacte.

Retour-en-vol, rattrapante, et hautes-fréquences

En plus de la mesure d’une durée de temps, les chronographes peuvent présenter d’autres spécificités. Tout d’abord, il y a le retour-en-vol, ou flyback en anglais. Cette fonction, initialement destinée aux aviateurs, fut inventée par Longines en 1936, confirmant une fois de plus l’implication de la maison de Saint-Imier dans l’aéronautique.

On trouve également des chronographes à « rattrapante« . Pour comprendre leur origine, il faut remonter en 1827. Cette année-là, l’horloger suisse Louis-Frédérique Perrelet dévoile un chronographe équipé de deux aiguilles de secondes. L’une des aiguilles peut être arrêtée par un appui sur le poussoir et reprendre la place qu’elle aurait eue si elle n’avait pas été stoppée. C’est l’ancêtre des chronographe à rattrapante. Puis en 1923, Patek Philippe dévoile le premier chronographe à rattrapante, équipé du mouvement 124.824, qui deviendra par la suite l’une des complication favorite de la marque.

Enfin, les chronographes peuvent se distinguer par leur fréquence d’oscillation. En effet, plus un chronographe est cadencé rapidement, plus il pourra affiché des fractions de seconde de plus en plus petites. Et si aujourd’hui l’expert en la matière est sans aucun doute Zenith, l’origine de ces hautes fréquences d’oscillation remonte à 1816, avec le compteur de tierces de Louis Moinet, comme nous l’avons vu plus haut.