C’est de loin la plus belle success story de l’année 2021. Après avoir dépassé le cap du million de francs suisses sur Kickstarter, des précommandes ayant largement dépassé ce nombre quelques mois plus tard, la toute première année de Furlan Marri s’est conclue par une autre victoire incroyable : un Grand Prix de l’Horlogerie de Genève dans la catégorie Révélation Horlogère. Un départ fulgurant qui donne à Andrea Furlan et à son compère Hamad Al Marri les moyens d’aller loin, alors qu’ils étaient littéralement partis de rien. Rencontre d’un des jeunes cofondateurs de la marque la plus en vogue !

Ludovic : En quelques mots, qui est Andrea Furlan ?

Andrea : Je suis un designer industriel suisse, qui a fait ses études à l’ECAL (école de design de Lausanne en Suisse), d’origine italienne et espagnole. Passionné de design, d’architecture, de voitures également (j’ai hésité à en faire mon métier, après une visite chez l’IED – école de design automobile en Italie). Je dessine depuis toujours à la main également car j’estime que c’est important de maîtriser l’idée sur papier avant de passer à la phase de construction 3D. Sinon que dire, j’ai un parcours classique d’école avec spécialisation bilingue allemand, biochimie, histoire et philosophie des sciences et j’ai également fait de l’athlétisme et du piano à un niveau assez avancé.

Ludovic : À quand remontre ta passion pour l’horlogerie ?

Andrea : Passionné depuis mes 12 ans d’horlogerie, j’ai effectué une dizaine de stages dans l’horlogerie notamment chez Hublot, HD3 Complication, Chopard ou Sarcar. Mon grand père avait une Rolex qu’il n’avait jamais enlevé, et lorsque je venais le visiter, il me la prêtait le temps que je puisse la dessiner sous tous ses angles. Il m’a aussi donné en héritage une layette d’horloger qui appartenait à un de ses amis, l’horloger F. Piguet. Il y avait dedans des dizaines de mouvements LeCoultre, des lunettes d’horloger, des ébauches de calibres à répétition minutes et des vieilles lettres rédigées à la main par les manufactures genevoises.

Ludovic : Te souviens-tu de ta première montre ?

Andrea : Oui, une Flik Flak avec des dauphins ! Puis j’ai reçu une Swatch juste après, que j’ai d’ailleurs toujours avec moi.

Ludovic : Aujourd’hui, tu es à la tête de Furlan Marri, mais que faisais-tu avant ?

Andrea : Juste avant que l’on crée Furlan Marri avec Hamad, je travaillais pour l’horloger Dominique Renaud pendant 4 ans, sur un projet incroyablement complexe (la DR01 de Dominique Renaud). Une montre qui revisite les fondamentaux de l’horlogerie avec aucun balancier spiral, comme sur une montre mécanique, mais un système à couteau breveté par Dominique.

Ludovic : Après avoir travaillé chez Renaud & Papi, quelles sont les plus grandes leçons que tu as retenues ?

Andrea : Dominique m’a embauché le lendemain de mon Bachelor en design industriel, il m’a aidé à consolider et comprendre la haute horlogerie. Travailler tous les jours aux côtés d’un inventeur-horloger est très formateur, car on peut sortir des sentiers battus, être libre et avoir carte blanche pour créer, sans aucune limite. Cela m’a aussi donné des ailes pour la suite, lorsque je suis parti en Asie habiter et travailler un temps. Il faut une longue réflexion et des gens qui vous poussent avant de vous lancer. Des gens comme Hamad, Dominique, des chefs designers de grandes marques qui sont bienveillants et poussent les personnes à se lancer et trouver des solutions rapidement.

Ludovic : Avais-tu prévu de créer ta propre marque si tôt dans ta carrière ?

Andrea : Cela a été une réflexion très profonde et lente mais qui est survenue après mon passage chez Dominique Renaud. Je connaissais Hamad depuis plusieurs années et on discutait beaucoup de projets, on échangeait des idées. J’ai toujours rêvé d’avoir une marque où je puisse avoir la possibilité de m’exprimer.

Ludovic : Pour le coup, comment as-tu rencontré Hamad ?

Andrea : Il y a des années de cela lorsque je débutais chez Dominique, un peu avant. Nous étions à une vente aux enchères chez Christie’s car j’allais chaque année apprécier les pièces de collection, les toucher et apprendre de leurs histoires. Hamad était également là et nous avons longuement parlé. Depuis nous sommes restés en contact des années durant avant de se lancer.

Ludovic : Peux-tu nous expliquer pourquoi vous avez opté pour un mouvement méca-quartz ?

Andrea : C’est un mouvement qui a une histoire tout d’abord. Le mécanisme remonte aux années 80 durant la crise du quartz. Les horlogers suisses Piguet et Lecoultre ainsi que les Japonais, un peu à la même période, ont inventé un module mécanique qui était fixé au Quartz et qui reproduisait le mouvement mécanique et fluide d’une aiguille de seconde. Par rapport à la seconde du quartz qui agit par à-coups et que les horlogers de l’époque n’appréciaient pas forcément, d’où l’idée d’avoir un mécanisme qui agit comme une trotteuse mécanique. Ce mouvement n’est produit que au Japon, par Seiko de nos jours, il permet d’avoir un boîtier fin, une élégance de boîte que nous voulions avoir. Il permet de proposer une montre avec une attention particulière sur les détails tout en gardant un prix correct.

Ludovic : Votre réussite est tout bonnement incroyable. Comment expliques-tu cet engouement ?

Andrea : Nous ne nous attendions pas à ce succès rapidement. Nous nous attendions à un certain succès car nous avions énormément travailler notre communauté environ 5 mois avant le lancement, par des podcasts, des discussions Clubhouse, des rencontres de collectionneurs, des conseils de personnes de l’industrie et surtout une grande préparation psychologique. Le meilleur conseil que je puisse donner à mon niveau, c’est de penser à tout, de lire, de se former au lieu de travailler avec une agence de marketing. Penser à tous les détails, du produit fini à l’expérience utilisateur et même au packaging lors de l’envoi des colis. Tout doit être le plus fluide et optimisé possible, grâce à des logiciels par exemple. Mais c’est un travail d’équipe, Hamad a réalisé un travail exemplaire au Moyen-Orient, avec une culture difficile d’approche mais extrêmement enthousiaste.

Ludovic : On doit absolument parler du Grand Prix d’Horlogerie de Genève. Peux-tu nous raconter cette histoire folle ?

Andrea : C’est une histoire qui a commencé lorsque nous avons reçu un e-mail qui disait que notre marque avait été proposée par les membres de l’Académie pour participer au GPHG, dans la catégorie « Challenge ». Trois références avaient été proposées et nous avons choisies notre référence Mr. Grey 1041-A. Nous ne l’avons pas proposée de nous-même, c’est cela qui était fou. Il s’est avéré que nous avons ensuite gagné le prix de la Révélation Horlogère de l’année qui est un prix attribué tous les deux ans.

Ludovic : Qu’est-ce qui te plaît le plus dans le fait de concevoir tes propres montres ?

Andrea : Premièrement le plaisir de pouvoir commencer à discuter en équipe d’un projet avec Hamad, tout en dérapant sur plusieurs autres idées farfelues. Ensuite le plaisir de construire sous forme de dessin à la main, puis en 3D, et imprimer un prototype en 3D pour pouvoir matérialiser l’idée en produit réel. Ensuite toute la partie de production de contenu, expérimentation photos et vidéos que nous aimons produire en interne. C’est quelque chose de prenant.

Ludovic : Les choses ont très vite bougé pour vous ; que visez-vous désormais pour les prochaines années ?

Andrea : Nous allons garder une ligne permanente de méca-quartz et révéler notre première mécanique Swiss made. Nous sommes en train de créer des nouveaux développements également mécaniques avec quelques belles collaborations.

Ludovic : Ton rêve pour Furlan Marri, quel serait-il ?

Andrea : Mon rêve est une continuité de ce qui se passe en ce moment. Réussir à créer un produit que les gens aiment porter, peu importe l’âge, la situation ou l’endroit où l’on se trouve. Un produit qui n’a aucune frontière et qui se porte facilement, tout en racontant une histoire avec lui.

Ludovic : On parle des Jeux Olympiques et du piano ?

Andrea : Effectivement j’ai participé aux Jeux Olympiques pour la Jeunesse en Finlande, spécialisation 800m et plusieurs fois champion suisse. Le piano également pendant 12 ans. C’est un moment incroyable de se trouver devant des personnes, jouer pour eux et partager un moment. Cela m’a appris à gérer une certaine forme de stress et à gérer des échéances sur le long terme.

Ludovic : Un petit teaser pour la fin ? Une sortie imminente ou modèle en cours de développement ?

Andrea : Nous ferons une précommande vers le mois de Juin pour notre toute nouvelle Swiss made mécanique, comme depuis le début de notre marque, ce sera 10 jours. Tous les intéressés seront les bienvenus car nous allons produire le nombre de commandes reçues. Ce ne sera pas un chronographe et nous avons poussé les finitions à un niveau assez avancé encore une fois. Laissons le public décider…

Visiter le site officiel de Furlan Marri.