Lorsque l’on parle de manufacture horlogère, on pense immédiatement aux grandes maisons suisses. Logique tant le savoir-faire helvétique dans ce domaine est reconnu depuis plusieurs siècles à travers le monde. Mais aujourd’hui nous avons décidé de nous intéresser à l’histoire de la plus grande maison horlogère japonaise : Seiko. En plus de 130 ans d’existence, cette entreprise familiale a su relever tous les défis technologiques en restant fidèle à l’engagement de son fondateur : la quête de la perfection.

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Histoire d’un pionnier des temps modernes

Kintaro Hattori n’est âgé que de 18 ans lorsqu’il créé son propre atelier d’horlogerie, chez lui à Tokyo, le 1er septembre 1877. À cette époque, le Japon ne possède aucune tradition dans ce domaine, contrairement à l’Europe qui dispose déjà d’un savoir-faire séculaire. Pourtant, plusieurs évènements historiques semblent se conjuguer pour donner un avenir à l’horlogerie japonaise. Depuis le début de l’ère Meiji en 1867, le Japon connaît une période d’ouverture vers l’occident, après plus de deux siècles de politique d’isolement. L’Empereur met fin au système féodal et fait rentrer le pays dans la modernité industrielle. Il adopte le 1er janvier 1873 le calendrier solaire, en remplacement du calendrier lunaire d’une grande complexité utilisé dans l’archipel depuis plus de huit siècles. L’Empire vit désormais au même rythme et dans le même temps que le reste du monde. Parallèlement, le chemin de fer se développe rapidement au Japon. Et les trains imposent précision et exactitude : les horloges et les montres deviennent des instruments indispensables dans la vie de tous les jours.

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Son apprentissage à peine terminé, Kintaro Hattori ouvre donc son atelier de réparation d’horloges. Les affaires marchent tellement bien qu’en 1881 il fonde une firme de réparation et de vente d’horloges d’occasion, puis 11 ans plus tard, en 1892, il rachète une usine désaffectée à Tokyo, et y fonde la firme Seikosha. En japonais, Seiko signifie « succès », et sha signifie « maison ». De bon augure pour la suite. Car lors de cette étape, le jeune entrepreneur change d’activité : il passe de la réparation à la fabrication. En véritable visionnaire, il comprend que l’innovation est le secret de la survie, et il s’acharne à devenir un véritable pionnier de l’horlogerie. En 1895, la « Time Keeper », première montre de poche fabriquée au Japon, sort des ateliers. Et en 1913, malgré une concurrence de plus en plus rude dans son pays, Kintaro Hattori produit la « Laurel », première montre-bracelet du Japon.

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Le 1er septembre 1923, un terrible tremblement de terre ravage Tokyo, provoquant la mort de 150 000 personnes. L’usine Seikosha est détruite. Mais comme dans tout le Japon, l’effort de reconstruction est phénoménal, et une montre entièrement nouvelle est commercialisée dès décembre 1924, soit à peine plus d’un an après le séisme. Ce modèle est le premier à porter la marque Seiko. Durant les vingt années qui suivent, Seiko continue à se développer et à innover. Mais en 1945, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, toutes les usines du groupe sauf une sont ravagées par les bombardements.

L’entreprise se relève une nouvelle fois, et axe toute sa stratégie sur la recherche de précision et la création de nouvelles fonctions : les montres Seiko rattrapent à pas de géant les modèles européens les plus sophistiqués. Pourtant, au milieu des années 50, les ventes sont toujours inférieures à celles des fabricants suisses. La direction de Seiko concentre tous ses efforts pour réduire l’écart technique avec ses concurrents étrangers. Avec les progrès de la production en série et l’amélioration de la qualité, les ventes explosent. Pour la première fois, Seiko exporte plus de montres et d’horloges que n’importe quel autre pays du monde, Suisse comprise.

Une nouvelle page s’ouvre. L’époque des pionniers, où tout était à imaginer dans un secteur de l’horlogerie japonaise inexistant, est terminée. Place à la conquête commerciale, à l’excellence et à l’innovation.

La révolution horlogère en mouvement

Dès le début des années 50, la firme participe à des concours nationaux d’horlogerie, afin d’améliorer la qualité et la précision de ses modèles. Les premiers résultats sont déprimants pour les fabricants japonais, beaucoup de montres s’arrêtant en plein test. Mais rapidement Seiko commence à s’imposer devant ses concurrents, et en 1958, son nouveau modèle, la « Marvel », remporte les neuf premières places aux différents concours nationaux. L’heure est venue d’affronter les manufactures suisses sur leur terrain !

Galvanisés par les succès nationaux, les ingénieurs de Seiko travaillent sans relâche. Aux concours de chronomètres de l’Observatoire Suisse, la firme commence à établir sa renommée. Puis la marque se lance dans les épreuves du prestigieux Observatoire de Genève. Dès la première participation, les modèles Seiko trustent toutes les places de la quatrième à la dixième. Du jamais vu. Et la marque obtient la première place en absolu. En cinq ans, Seiko est passé de la 144ième à la 1ère place. La réputation des montres mécaniques Seiko est faite, et la marque gagne mondialement en notoriété, aussi bien auprès des particuliers que des professionnels du secteur. L’ambitieux slogan « Dans le monde entier, c’est Seiko » va devenir réalité.

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Tous ces concours ont également transformé l’état d’esprit de l’entreprise, la poussant vers toujours plus d’innovation et de précision. Et au début des années soixante, alors que la montre mécanique est à son apogée, que Seiko est parvenu à s’imposer au sommet du secteur, que les ventes grimpent, les dirigeant décident de mobiliser toutes les forces de l’entreprise sur une technologie encore balbutiante : le quartz.

Le principe est connu depuis longtemps, Pierre Curie ayant découvert dès 1880 que certains cristaux, soumis à une pression, produisent de l’électricité. Dès 1940, des laboratoires de mesure du temps sont équipés d’horloges à quartz. Mais on est encore très loin de la montre bracelet à quartz : chaque horloge remplissait une salle entière ! Lorsque Seiko se lance dans ce projet, tout reste à inventer, et fidèle à son esprit pionnier d’origine, la firme décide de développer tous les composants elle-même. Mais la technologie quartz exige d’autres compétences que celles de l’horlogerie traditionnelle, et outre le défi de la miniaturisation, d’autres obstacles comme l’autonomie des piles, la fiabilité ou la précision vont se dresser. Il faudra presque dix ans, mais le jour de noël 1969, la première montre à quartz de l’histoire est mise en vente. C’est la Seiko « Astron ». La société japonaise vient de remporter une victoire décisive sur ses concurrents : la première montre à quartz suisse ne sera commercialisée qu’en 1970.

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La révolution du quartz est en marche, mais elle est trop discrète. L’Astron ressemble à une simple montre mécanique trois aiguilles. Il faut aller plus loin, l’affichage de l’heure doit devenir digital. Dès 1968, Seiko s’intéresse aux recherches menées sur l’affichage à cristaux liquides, et en 1973, la première montre à quartz à affichage LCD est commercialisée.

Depuis le 25 décembre 1969 et pour longtemps encore, le quartz est la technologie qui s’approche le plus de la perfection, en terme de précision, à l’échelle humaine (la précision des horloges atomiques est bien supérieure mais impossible à percevoir pour l’être humain). Seiko aurait pu s’arrêter à ce constat, mais ce n’était pas dans son ADN. Et moins de 20 ans après le lancement de la première montre à quartz, le mouvement Kinetic est commercialisé. Il s’agit d’une montre à quartz qui fonctionne sans pile, grâce aux mouvements du poignet entrainant un rotor. Pourtant, ce mouvement a bien failli ne pas voir le jour. Son développement demande tellement de temps et d’investissement qu’en 1986, faute de résultats probants, la direction décide de mettre fin au projet alors qu’un prototype vient d’être présenté à la foire de Bâle. Mais l’enthousiasme suscité auprès des particuliers comme des professionnels par cette nouvelle technologie non polluante est tel que la direction revient immédiatement sur sa décision et décide même d’accélérer pour commercialiser cette innovation dans les plus brefs délais. En avril 1988, Seiko réussit à allier la précision de la montre à quartz avec l’autonomie de la montre mécanique à remontage automatique : la première montre Kinetic, le modèle 7M, est lancée.

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Avec l’essor de la technologie quartz, on aurait pu craindre un désintérêt de la marque pour les montres mécaniques. Il n’en est rien. Dès 1977, les scientifiques de Seiko se lance dans un nouveau défi : concevoir un mouvement à ressort moteur d’une précision de +/- 1 seconde par jour, prouesse réservée aux montres électroniques. Après 28 années de recherche et plus de 600 prototypes, Seiko lance en 2005 le calibre « Spring Drive ». Celui-ci, comme les mouvements mécaniques à remontage automatique « classique », est bien mu par un ressort-moteur ou spiral. Par contre, la marque japonaise a remplacée le système de régulation traditionnel qui fait la fierté des maisons suisses, à savoir l’échappement à encre, par un tout nouveau système appelé tri-synchro. Il transforme l’énergie mécanique en électricité puis en énergie électromagnétique, et régule le mobile afin d’obtenir une fréquence fixe, quelque soit la puissance délivrée par le ressort-moteur. Après plus d’un siècle d’innovation, Seiko réussit la synthèse de l’horlogerie traditionnelle et du quartz !

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Seiko : une manufacture unique

En horlogerie, le terme de manufacture s’applique aux maisons qui réalisent les ébauches du calibre de la montre ainsi que son habillement, par opposition aux établissements qui intègrent des mouvements élaborés et fabriqués par d’autres.

En ce sens, Seiko va encore plus loin. Tout au long de son histoire, sa quête d’innovation l’a poussée à développer en interne tous les éléments nécessaires à ses créations. A tel point qu’aujourd’hui la marque fabrique elle-même la totalité des composants pour ses montres : boîtiers, cadrans ou aiguilles, et bien évidemment les mouvements, y compris le spiral. L’entreprise maitrise également quatre technologies pour animer ses modèles : mécanique à remontage automatique, quartz, kinetic et Spring Drive. On peut même en rajouter une cinquième avec les montres à quartz GPS solaires lancées depuis 2012, qui offrent la précision d’une horloge atomique et permettent un ajustement automatique de l’heure et du fuseau horaire. Tous ces éléments contribuent à rendre cette manufacture unique.

La gamme Seiko est déjà très large en soi, avec environ 200 modèles au catalogue en France, allant de 200€ à près de 3000€. Et depuis 1998, Seiko a réinvesti le marché de la haute horlogerie en ressuscitant la marque « Grand Seiko » et met tout son savoir faire horloger au service de montres d’exceptions (gamme à partir de 4000€). De quoi permettre à tout un chacun de trouver un modèle de précision qui lui corresponde à la perfection !

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